Les concepts de « syndrome d’aliénation parentale » (SAP) et d’enfants aliénés (EA) : sources d’erreur dans les conflits de garde d’enfants*
Par Carol S. Bruch
Traduction : Hélène Palma
Cet article se penche sur les solutions proposées par les professionnels de santé mentale et de droit face aux enfants qui sont réticents à rendre visite à celui de leurs parents chez lequel ils ne vivent pas. Cette étude décèle dans les notions de Syndrome d’Aliénation Parentale et d’Enfants Aliénés un manque de rigueur analytique qui met les enfants en danger. L’auteur suggère en conclusion de meilleures manières d’évaluer les nouvelles théories issues des sciences sociales.
Les conventions de citation s’appuient en partie sur The Bluebook: A Uniform System of Citation (Harvard Law Review Assoc., 17th ed 2001).
Il y a deux ans, le professeur Carol Bruch publiait une recherche qui faisait suite à cet article, intitulée Sound Research or Wishful Thinking in Child Custody Cases? Lessons from Relocation Law (Recherche scientifique ou vues de l’esprit dans les conflits de garde d’enfants? Considérations sur la loi relative aux déménagements post-divorce), 40 Family Law Quarterly 281 (2006), disponible à l’adresse suivante : http://www.law.ucdavis.edu/faculty/bruch.shtml . Carol Bruch y fait état des découvertes les plus récentes concernant les besoins des enfants après la séparation de leurs parents et dénonce les erreurs commises par les promoteurs les plus en vue des concepts de PAS, PA, AC et HAP (Parental Alienation Syndrome, Parental Alienation, Alienated Children et Hostile Aggressive Parenting : concepts généralement traduits en français par Syndrome d’Aliénation Parentale (SAP), Aliénation Parentale (AP), Enfants Aliénés (EA) et Dressage à l’Agressivité et à l’Hostilité (DAH)).
L’auteur remercie sincèrement la traductrice, Hélène Palma, Maître de Conférences en études anglophones à l’ Université de Provence (Aix-Marseille I), pour la version française du présent article. L’auteur et la traductrice expriment toute leur reconnaissance à l’Honorable Claire L’Heureux-Dubé, ancienne Juge de la Cour Suprême du Canada, ainsi qu’à Sara Greaves, Maître de Conférences en études anglophones à l’ Université de Provence (Aix-Marseille I), pour leur relecture attentive de la version française de cet article. Leurs remerciements vont également à Alexandra Leturcq, doctorante en droit de l’Université Paul Cézanne (Aix-en-Provence), et Fanny Charvet, de l’Université de Californie, Davis, pour leurs conseils.
La traductrice remercie l’auteur de cet article pour sa collaboration chaleureuse et constructive et dédie cette traduction à la mémoire de Léo Thiers-Vidal (15 décembre 1970-11 novembre 2007), précieux compagnon de route et ami infiniment regretté.
Introduction
Alors que les tribunaux et les organes législatifs poursuivent leurs innovations enthousiastes en matière de réforme du droit de la famille, ils font fréquemment usage de théories et de recherches issues des sciences sociales. Cette étude se concentre sur les évolutions issues du Syndrome d’Aliénation Parentale en matière de droit de garde des enfants. Théorie inventée en 1985, le SAP a été massivement utilisé (parfois sous l’appellation d’Aliénation Parentale) malgré son manque de fondements scientifiques. Cet article met en lumière les problèmes théoriques et pratiques liés au SAP, aborde, toujours sur les plans théorique et pratique, des études plus récentes concernant la notion d’Enfants Aliénés (EA) et conclut sur des recommandations à l’adresse des avocats et des juges qui sont amenés à se prononcer sur ces nouvelles théories et de celles qui suivront.
Le SAP et ses détracteurs
La doctrine du SAP
Le pédopsychiatre Richard Gardner a créé l’expression Syndrome d’Aliénation Parentale en 1985 pour décrire ses impressions cliniques lors de l’observation de cas qu’il pensait être des fausses allégations d’agressions sexuelles.[1] De son point de vue, le SAP est par essence la campagne de dénigrement d’un parent de la part d’un enfant, “résultant de sa ‘programmation’ (‘lavage de cerveau’) par l’un des parents dans le but de dénigrer l’autre; ce sont également les contributions créées par l’enfant lui-même à la campagne de dénigrement menée par l’un de ses parents”.[2] Le Dr Gardner a commencé par affirmer que le SAP était présent chez environ 90% des enfants dont les familles traversent un conflit de garde mais n’a pas fourni de résultats de recherche permettant de soutenir ses affirmations concernant ce syndrome, sa fréquence ou son contexte. En fait ses premières estimations ont été très largement exagérées, en particulier en ce qui concerne la fréquence des fausses allégations d’agressions sexuelles,[3] et une révision postérieure de ses estimations s’est révélée bien plus mesurée.[4]
Au cours des dernières années, l’utilisation de l’expression SAP s’est développée de manière très importante, incluant des cas de tous types dans lesquels un enfant refusait de se rendre chez celui de ses parents qui n’avait pas sa garde, que le refus de l’enfant implique ou non des allégations de violences. Bien qu’il soit arrivé au Dr Gardner d’affirmer que son analyse ne s’applique pas aux cas dans lesquels des violences ont réellement été perpétrées,[5] son attention se concentre sur la question de savoir si le parent aimé et l’enfant mentent et non de savoir si le parent rejeté est malhonnête ou s’il s’est comporté d’une manière qui pourrait expliquer l’aversion de l’enfant à son égard.[6] Le traitement qu’il recommande dans les cas graves est de transférer la garde de l’enfant, afin qu’il soit déprogrammé, du domicile du parent aimé à celui du parent rejeté. Cela peut impliquer une prise en charge institutionnelle pour des soins pendant une période transitoire; tout contact, même des appels téléphoniques, avec le parent principal pourvoyeur de soins doit être interrompu pour “au moins quelques semaines”. C’est seulement après un lavage de cerveau inverse que l’enfant peut reprendre progressivement contact avec le parent ayant autrefois la garde de l’enfant, à travers des visites surveillées.[7]
Le contexte dans lequel le SAP est censé survenir
Les familles hautement conflictuelles sont, bien sûr, représentées de manière disproportionnée parmi celles qui contestent les décisions de justice en matière de garde et de droits de visite des enfants.[8] Ces dossiers comportent fréquemment de la violence domestique, des agressions sur enfants et de l’abus de substances.[9] De nombreux parents sont en colère et une large gamme de problèmes liés aux droits de visite surviennent. Il est possible que la description faite par le Dr Gardner du SAP rappelle à des parents, thérapeutes, avocats, médiateurs et juges des émotions fréquemment rencontrées et ceci permet peut-être d’expliquer pourquoi le public du Dr Gardner a si souvent accepté le SAP sans se poser de questions. Ces professionnels font cependant preuve, et cela est troublant, d’une totale absence d’analyse soignée et d’attention à la rigueur scientifique. Comme la discussion qui suit va le montrer, ce manque d’attention a permis à ce qu’on appelle familièrement de la “science de comptoir” (de la pseudo-science) d’influencer des dossiers de garde d’enfants d’une manière qui expose ces derniers à des dangers.
Les failles dans la théorie du SAP
Les faiblesses dans la théorie du SAP sont nombreuses. Certaines ont déjà été identifiées dans la littérature en sciences sociales et les opinions judiciaires concernant les gardes d’enfants; d’autres continuent à apparaître. Premièrement, Gardner considère comme une psychose la réaction, liée à son développement, d’un enfant au divorce et le haut conflit parental (y compris impliquant de la violence).[10] Ce faisant, il omet de prendre en compte la colère, totalement prévisible et souvent inappropriée, des parents et des enfants à la suite d’un divorce. Cette erreur le conduit à affirmer que le SAP constitue un exemple fréquent de “folie à deux” ou “folie à trois” qui, selon l’Association Américaine de Psychiatrie (APA) et des études universitaires, sont des désordres psychotiques collectifs très rares.[11] L’affirmation de Gardner selon laquelle ces désordres apparaîtraient principalement chez les jeunes enfants est aussi contraire à la littérature spécialisée[12] et est probablement due à une mauvaise interprétation des réactions typiques des jeunes enfants au divorce, liée à une méconnaissance de leur développement.[13]
Deuxièmement, et peut-être en conséquence de ces erreurs et de sa vision très partielle du problème, à la manière de l’histoire des aveugles et de l’éléphant,[14] Gardner exagère largement la fréquence des cas dans lesquels enfants et parents ayant la garde des enfants fabriquent de toutes pièces de fausses allégations ou se liguent dans le but de détruire la relation de l’enfant avec l’autre parent. La conséquence pratique de ces affirmations prises ensemble est que toute allégation de violences s’en trouve remise en cause: Gardner affirme que ces allégations sont généralement fausses dans le contexte d’un divorce.[15] Là encore, Gardner ne cite aucune preuve à l’appui de son point de vue personnel, alors que la littérature spécialisée fait état de l’inverse, à savoir que ces allégations sont habituellement fondées.[16]
Troisièmement et de cette manière, le SAP conduit à détourner l’attention : on s’intéresse moins au comportement—peut-être dangereux—du parent qui réclame la garde des enfants qu’à celui qui l’a. Cette personne, qui tente peut-être de protéger son enfant, est au contraire soupçonnée de mentir et de l’intoxiquer. En effet, selon Gardner, les démarches entreprises par le parent ayant la garde de l’enfant, inquiet pour ce dernier, afin d’obtenir de l’assistance dans le diagnostic, le traitement et la protection de son enfant, sont une preuve que les allégations portées sont fausses.[17] Pire encore, si des thérapeutes admettent qu’il y a un danger, Gardner affirme qu’il s’agit presque toujours de thérapeutes femmes misandres qui participent avec l’enfant plaignant et le parent inquiet à une “folie à trois”.[18] Il met en effet les juges en garde et leur conseille de ne pas prendre au sérieux les allégations de violence dans le contexte de divorces hautement conflictuels (cas graves de SAP). Ni Gardner ni ceux qui admettent ses analyses ne reconnaissent qu’il y a un problème de logique lorsque Gardner affirme que des allégations de violences avalisées par des thérapeutes sont la preuve que le parent protecteur est aliénant.
Quatrièmement, Gardner croit que, particulièrement dans les cas graves, la relation entre un enfant aliéné et le parent rejeté est irrémédiablement compromise, probablement vouée à s’éteindre pour toujours[19] à moins que des mesures immédiates, draconiennes (transfert de garde, isolement du parent aimé et déprogrammation) ne soient prises. Là encore, des études fiables montrent que sa théorie est exagérée, la plupart des cas se résolvant lorsque l’enfant murit (à l’exception de cas inhabituels, par exemple ceux qui s’observent dans les familles violentes).[20]
Cinquièmement, ainsi que le suggèrent ces études, le remède proposé par Gardner pour les cas extrêmes est infondé et met les enfants en danger.[21] Lorsqu’il préfère ne pas débusquer des adultes maltraitants, Gardner semble avoir volontairement négligé les différences de politique entre le droit pénal et le droit familial et également mal comprendre la différence dans la manière de rapporter des preuves dans les dossiers criminels et civils aux Etats-Unis. À tel point que le SAP conduit à placer des enfants auprès d’un parent qui est en fait violent et à les priver de contact avec le parent qui pourrait les aider. Des groupes de parents et des rapports d’enquête décrivent en effet de nombreux cas dans lesquels des tribunaux ont transféré la garde d’enfants à des agresseurs connus ou probables tandis que les parents ayant autrefois la garde étaient privés de contact avec les enfants qu’ils avaient tenté de protéger.[22] Dans les cas moins extrêmes, également, les enfants risquent de souffrir de cette rupture soudaine dans leur vie familiale et leur relation au parent auquel ils font confiance. Même les thérapeutes qui admettent la théorie du SAP ont vainement mis en garde contre les transferts de garde dans certains cas rapportés pour lesquels il semble que des juges aient appliqué les idées de Gardner de leur propre initiative.[23]
En somme, la réticence ou le refus d’un enfant de rendre visite au parent n’ayant pas sa garde trouve certainement meilleure explication en se passant de la théorie de Gardner. Des études, qui se sont intéressées à des familles pendant plusieurs années, par exemple, indiquent que les visites peuvent cesser ou être difficiles lorsqu’une gamme variée de raisons conduit les parents ayant la garde des enfants et les enfants à se sentir en colère ou mal à l’aise avec l’autre parent. Il est fréquent que le comportement du parent n’ayant pas la garde et le stade de développement de l’enfant jouent des rôles décisifs. Les prises de position ou les alliances qui peuvent quelque peu ressembler à ce que décrit Gardner sont bien moins fréquentes qu’il le suggère, et même dans les cas extrêmes, les chercheurs s’accordent pour estimer que la théorie du SAP propose des solutions inappropriées et dangereuses qui aggravent le problème.[24]
Le “matraquage” du SAP dans les conflits de garde d’enfants
Alors comment se peut-il qu’une analyse aussi gravement défaillante, exagérée et dangereuse ait été aussi largement acceptée? Qu’est-ce qui incite les juges à ordonner des transferts de garde contre l’avis unanime d’experts dans un cas?[25] Premièrement, Gardner est largement, mais à tort, considéré comme un professeur des universités dans une université prestigieuse.[26] Cette aura de compétence accompagne ses travaux, et peu de gens ont conscience que la majeure partie d’entre eux sont publiés à compte d’auteur,[27] manquant de rigueur scientifique[28] et que ses livres sur le SAP ne figurent même pas dans les bibliothèques de recherche et des universités.[29] De plus, Gardner promeut ses écrits et ses services en tant qu’expert à travers son propre site Internet,[30] des sites d’organisations de pères[31] renvoient vers son site; Gardner propose également des séries de cours de formation continue pour professionnels.[32] Finalement, il déclare ou suggère souvent de manière inexacte que le SAP est repris par ou s’intègre aux travaux reconnus de confrères.[33]
L’article de 8 pages paru dans la revue de l’association des juges américains (Journal of the American Judges Association) est un exemple particulièrement typique.[34] Gardner y est identifié seulement sous son titre honorifique[35] et l’article ne produit que 10 sources (9 sont issues des propres écrits de Gardner, une de Sigmund Freud) à l’appui de ses affirmations graves voire hyperboliques.[36]
Force est de constater, qu’avec le temps, et depuis que Gardner a commencé à diffuser sa théorie, l’expression SAP est entrée dans l’usage courant. Les médias, parents, thérapeutes, avocats et juges se réfèrent maintenant fréquemment au SAP, nombre d’entre eux présumant qu’il s’agit d’un diagnostic de santé mentale utile et scientifiquement prouvé.[37] En pratique, logiquement, on sait qu’aux Etats-Unis lorsque des accusations d’agressions sexuelles sur enfants sont formulées ou lorsque des droits de visite se déroulent mal, il faut se préparer à faire face à une plainte en réponse allégant qu’il s’agit de SAP et non d’agression ou d’autres difficultés.[38]
Une recherche électronique concernant tous les cas américains recensés entre 1985 et février 2001 faisant usage de l’expression “parental alienation syndrome” (syndrome d’aliénation parentale) montre que de nombreux professionnels de santé mentale autres que Gardner ont diagnostiqué des SAP, mais qu’ils étaient bien moins nombreux à requérir un transfert de garde ou l’arrêt des contacts avec le parent ayant été initialement gardien. La recherche a conduit à 48 cas issus de 20 états, y compris, pour six états, des tribunaux les plus élevés. Le degré d’utilisation de la notion de SAP par des témoins experts, des avocats ou des juges dans ces cas et l’absence presque totale de vérifications de sa validité scientifique sont profondément préoccupants.[39] C’est seulement dans une poignée de cas que le tribunal ou la Cour d’appel se sont interrogés précisément sur la recevabilité de ce prétendu syndrome selon les précédents reconnus, qui évaluent soit l’acceptation d’une théorie par la communauté scientifique soit la recevabilité de sa méthodologie scientifique,[40] et dans plusieurs de ces cas le tribunal a souvent estimé qu’il n’avait pas besoin de trancher sur la question de la recevabilité puisqu’on n’avait démontré l’existence d’aucune aliénation.[41] A plusieurs occasions, toutefois, des Cours d’appel ont signalé aux tribunaux que le travail de Gardner était gravement remis en cause.[42]
Dans les quelques cas mentionnés pour lesquels le témoignage proposé par Gardner était contesté ou la validité du SAP par ailleurs remise en cause, les tribunaux ont habituellement exclu son témoignage et ne se sont pas fiés à la théorie du SAP. Dans ces cas on voit les tribunaux exprimer deux types d’inquiétude. D’abord, les tribunaux refusent avec cohérence de laisser Gardner estimer si les témoins disent la vérité ou non, notant que cette question est réservée au juge ou jury (“the trier of fact”).[43] Deuxièmement, la plupart des tribunaux américains qui se sont penchés sur la question s’accordent à dire que le SAP n’est généralement pas admis par des professionnels et ne se conforme pas au test applicable en termes de fiabilité scientifique.[44] Ces conclusions sont relayées par un juriste canadien dans un article discutant des questions de recevabilité selon le droit tant américain que canadien[45] et par d’autres professionnels renommés. Le Dr Paul J Fink, ancien président de l’Association Américaine de Psychiatrie (APA) et président du Leadership Council on Mental Health, Justice and the Media a par exemple déclaré de manière assez directe, “Le SAP en tant que théorie scientifique a été laminé par des chercheurs légitimes à travers tout le pays. Si on le jugeait seulement à la lumière de ses mérites, le Dr Gardner ne devrait être qu’une assez misérable note de bas de page ou un exemple de critères scientifiques de piètre qualité”.[46]
À la suite de nombreuses critiques scientifiques, Gardner a retiré le test qu’il avait mis au point pour déterminer si des agressions sexuelles avaient eu lieu.[47] Cependant, ainsi que Faller l’a remarqué après avoir observé de près la théorie de Gardner, la série de questions qui constituait ce test a simplement été remplacée par d’autres publications avec de nouveaux titres qui reproduisent très largement le contenu et la méthodologie de ses travaux antérieurs.[48]
Malgré le bon travail accompli par la plupart des tribunaux, qui se sont interrogés sur l’honnêteté scientifique du SAP, il n’y a pas de quoi se réjouir. Pour la grande majorité des conflits dans lesquels le SAP apparaît, on s’aperçoit qu’un ou plusieurs experts ont évalué le cas à la lumière du SAP et rien ne montre que quiconque, tant chez les experts que les avocats ou les juges, ait pensé à se demander si cette théorie est correctement fondée ou si elle conduit à des recommendations ou des jugements acceptables.[49] On constate ailleurs un manque de rigueur comparable.[50]
Les autorités anglaises
En Angleterre et au Pays de Galles, c’est à deux reprises que la Cour d’appel a eu à traiter des dossiers s’appuyant sur le SAP : Re L (Contact: Domestic Violence); Re V (Contact: Domestic Violence); Re M (Contact: Domestic Violence); Re H (Contact: Domestic Violence) (51)[51] et Re C (Prohibition on Further Applications). (52)[52] À chaque fois, la Cour d’appel a exprimé de sérieux doutes à propos de ce syndrome.
La première fois, la Cour, qui en a le loisir, a commandé un rapport d’expert préalablement à l’examen du dossier. Le résultat de cette demande est un rapport préparé et ensuite publié par deux psychiatres renommées, les docteurs Claire Sturge et Danya Glaser.[53] Ce rapport présente des principes de psychiatrie liés au développement des enfants qui fournit des principes pour guider les tribunaux en matière de cas de droits de visite. Répondant aux questions qui lui ont été posées, le rapport indique les références pertinentes en la matière et les avantages et inconvénients potentiels des droits de visite en général. Le rapport traite ensuite de violence domestique et d’autres situations difficiles. Les auteures analysent spécifiquement le SAP, qu’elles estiment inutile.[54] Récusant les recommandations du SAP en matière de cause et de traitement, les expertes préfèrent recommander une approche au cas par cas.[55]
La Cour d’appel a expressément accepté la teneur et les conclusions du rapport, et, dans la discussion concernant le troisième appel conjoint, Re M, la Présidente de la Cour, Dame Elizabeth Butler-Sloss s’est à nouveau référée à ce rapport. Elle a noté le diagnostic de SAP posé dans ce dossier par l’expert du tribunal, le Dr LF Lowenstein, et le fait qu’il recommandait une thérapie d’au moins six séances suivie d’un nouveau rapport.[56] La présidente a par ailleurs indiqué que même l’aliénation d’un enfant par l’un de ses parents est “très loin d’être un syndrome reconnu nécessitant l’intervention d’experts en santé mentale”, que non seulement le Dr Lowenstein se situe “à l’extrémité du champ large des professionnels de santé mentale” mais qu’il est également “regrettable” que les avocats des parents aient été “incapables de trouver un expert qui se situe dans le courant modéré de ce domaine”.
Dans Re C, la Cour d’appel a redit son scepticisme quant à la plainte, s’appuyant sur le SAP, d’un justiciable. Mais cette fois, la Cour s’est moins penchée sur le SAP lui-même que sur d’autres explications, bien plus plausibles, justifiant le refus d’une enfant de rencontrer son père.[57] L’arrêt rendu par la Présidente de la Cour exprime son mécontentement constant à l’égard de la théorie du SAP. [58]
La Cour n’a toutefois pas indiqué que les arguments s’appuyant sur le SAP ne devraient être acceptés comme preuve qu’à condition que la théorie soit conforme aux tests de fiabilité des preuves utilisés pour vérifier les théories scientifiques récentes. Or, en montrant que dans Re L (Contact : Domestic Violence) le SAP n’avait pas satisfait à ce test et que Re C (Prohibition on Further Applications) ne démontrait pas le contraire, la Cour avait la possibilité de faire taire ces voix qui affirmaient sans fondement mais avec véhémence que l’arrêt Re C reconnaîtrait la légitimité du SAP.[59]
Dans les faits, le SAP a fourni des avantages dans les litiges judiciaires aux parents qui n’ont pas la garde de leurs enfants et qui sont suffisamment fortunés pour payer des avocats et des experts.[60] Il est possible que de nombreux avocats et professionnels de santé mentale aient en l’espèce simplement saisi une occasion d’obtenir une nouvelle source de revenus — une manière de “faire quelque chose pour le père lorsqu’il me paye” comme l’a déclaré un avocat. Pour ceux qui s’intéressent au bien-être des enfants, il importe peu que le SAP soit un exemple de plus de ces “mythes de comptoir” complaisamment endossés par les medias et ceux qui sont impliqués dans les conflits autour de la garde des enfants, ou qu’il soit le signe qu’avocats et professionnels de santé mentale ne savent pas véritablement évaluer les nouvelles théories en psychologie.[61] Cette dernière hypothèse peut cependant expliquer pourquoi le prix annuel décerné aux travaux de recherche par la section “résolution alternative des conflits” de l’Association du Barreau sméricain a été attribué à un travail consacré au SAP,[62] qui n’en évaluait nullement la qualité et qui est donc irrecevable. La même hypothèse peut aussi expliquer pourquoi des articles consacrés au SAP, qui rendent mal compte de la recherche actuelle, ont pu être publiés dans des revues dotées d’un comité de lecture.[63]
Le rapport de Sturge et de Glaser a déjà acquis de l’importance en Angleterre et il est certain qu’à mesure qu’il sera connu, son impact ailleurs sera favorable. Parce qu’il reflète précisément la recherche et les connaissances récentes en la matière[64] il se distingue de la littérature qui cherche à promouvoir le SAP. Trop souvent, dans cette littérature, la recherche scientifique et le droit jurisprudentiel (case law) sont exclus de la discussion,[65] ou s’ils sont pris en compte, c’est sans les comprendre ou bien en les déformant.[66]
Science en progrès mais politique encore mauvaise
Face à une désinformation aussi massive et aux dégâts qu’elle peut causer dans les cas de garde, des chercheurs renommés tentent à présent d’ affiner ce domaine. En plus de leurs travaux écrits, certains d’entre eux répondent à Gardner sur son propre terrain en présentant des communications lors de conférences professionnelles et des cours de formation continue à des juges, avocats et professionnels de santé mentale. En Californie du Nord, qui a été le lieu de diffusion d’une bonne part de la recherche à présent citée à tort par les promoteurs du SAP, plusieurs professionnels ont abondamment communiqué sur le sujet de l’aliénation et ont récemment publié une collection d’articles à ce propos.[67]
Ces professionnels se distinguent nettement de Gardner et du SAP sur divers aspects importants.[68] Premièrement, ils critiquent directement sa théorie, son manque de fondements scientifiques et ses recommendations en matière de traitement. Ensuite, ils distinguent “aliénation” d’“éloignement” (bien que ces termes soient synonymes dans leur usage ordinaire) et soulignent qu’il peut y avoir de nombreuses raisons possibles qui expliquent une opposition ou des difficultés pendant les visites. Ils emploient le terme “éloignement” pour désigner les difficultés de relation entre un parent non gardien et un enfant : ces difficultés peuvent provenir des caractéristiques personnelles ou du comportement de ce parent. Selon eux, le terme d’aliénation désigne le malaise d’un enfant, qui provient de son attitude excessivement négative, durable et irrationnelle, à l’égard d’un parent.[69] En se confrontant aux conclusions et raisonnements tordus du travail de Gardner, ces professionnels réouvrent une large réflexion sur les causes et reconnaissent que plusieurs facteurs peuvent être à l’oeuvre collectivement dans les phénomènes observés.
La recommandation de Gardner selon laquelle les enfants, même ceux censés être pris dans une folie à deux avec le parent gardien, doivent être immédiatement séparés et coupés de tout lien avec ce parent en attendant un lavage de cerveau ou une déprogrammation dans le sens inverse, est particulièrement décriée. Selon une théorie de psychologie plus générale, on doit épargner à ces enfants l’expérience traumatisante d’une rupture brutale de cette relation première. Une thérapie pour l’enfant et le parent gardien peut être conseillée, à la place, afin de défaire certains aspects malsains de leur relation. On peut y adjoindre une assistance professionnelle afin de rétablir une relation entre le parent non gardien et l’enfant, au moment opportun et d’une manière qui n’effraiera pas inutilement l’enfant. Ces auteurs se réfèrent avec soin à la recherche dans ce domaine et nuancent généralement leur point de vue de manière appropriée. De plus, ils fournissent de diverses manières des indications cliniques utiles qui peuvent servir aux thérapeutes amenés à travailler avec des familles qui vivent des difficultés de droits de visite ou une antipathie entre un enfant et un parent. A cet égard, et bien qu’elles ne soient pas encore prouvées scientifiquement, leurs indications représentent un progrès important.
Malheureusement pourtant, et comme Gardner avant eux, ces spécialistes de santé mentale s’avancent beaucoup plus que ne le leur permettent les données en leur possession, lorsqu’ils recommandent des mesures judiciaires prolongées, coercitives et hautement intrusives. Ils conseillent ainsi un special master (un « maître spécial », c’est-à-dire un avocat ou un professionnel de santé mentale) désigné par le tribunal qui conduirait une équipe qui pourrait être constituée d’un thérapeute pour chaque membre de la famille, d’un conseiller parental, d’avocats pour chacune des parties et pour l’enfant. Tels que Sullivan et Kelly le présentent, le special master endosse un rôle quasi-judiciaire
y compris la charge de prendre des décisions spécifiquement liées à l’enfant, de gérer le dossier, de mener d’autres évaluations… de conduire des interventions légalement obligatoires et de régler les conflits quotidiens immédiatement … . [70]
D’autres recommendations notables de leur part consistent à suggérer que le tribunal ordonne aux parties de renoncer aux droits importants à la confidentialité (privileges)[71] et que les tribunaux ordonnent aux parents de partager de manière égale les frais, potentiellement onéreux, de cette procédure.[72]
Certaines de ces propositions spécifiques sont clairement contraires au droit actuel. Selon les droits constitutionnel, écrit et jurisprudentiel de Californie par exemple il est évident que le cadre de Sullivan et Kelly (qui souhaitent apparemment qu’un special master s’occupe des difficultés posées par un parent ou les deux) représente une délégation inadmissible de l’autorité judiciaire.[73] De la même manière, ils recommendent aux tribunaux d’exiger des parties qu’elles renoncent à des droits (ils parlent de “confidentialité limitée”), ce qui supposerait que les tribunaux agissent en contrevenant aux mandats légaux.[74] Enfin, même si leur suggestion d’obliger les parties à diviser en parts égales les frais de justice n’est pas contraire à la loi, elle est, sans justification, potentiellement injuste pour le parent le moins riche.
Malgré le fait que le droit jurisprudentiel insiste sur la différence entre les jugements passés à l’amiable et les autres, plusieurs auteurs ayant communiqué dans le dossier sur les Enfants Aliénés (NdT: voir note 67) (y compris l’auteur de la recommandation, invalidée par un arrêt de la Cour d’appel qui fait aujourd’hui jurisprudence, de nommer un special master chargé de gérer les cas de séparation), acceptent tous les recommandations de Sullivan et Kelly.[75] Il est cependant peu probable que les Cours d’appel californiennes fassent fi de la distinction entre les décisions de justice coercitives et les accords passés à l’amiable. Le fait que ces experts près les tribunaux renommés ne traitent pas de cette question donne à penser soit qu’ils ne comprennent pas cette distinction soit qu’elle n’a pas d’importance à leurs yeux. Dans les deux cas, l’idée que des décisions de nature quasiment judiciaire puissent être prises par des personnes qui ne font pas grand cas de cette distinction est pour le moins troublante.
Les solutions proposées par ces auteurs, quand bien même elles seraient légales, sont, comme ils l’admettent, coûteuses.[76] De plus, ils ne fournissent aucune garantie raisonnable que leurs recommandations serviraient l’intérêt de l’enfant[77] ou améliorerait la situation telle qu’elle serait sans intervention judiciaire.[78] Ainsi que Sullivan et Kelly le reconnaîssent :
Contrairement à ce qu’affirment fréquemment des experts en garde d’enfants et des groupes soutenant l’idée de l’existence de l’aliénation parentale, il existe peu de preuves dans la recherche plaidant en faveur d’ interventions spécifiques telles qu’un transfert de garde, dans les cas graves et chroniques. D’autre part, il n’existe aucune donnée empirique indiquant qu’une aliénation ancrée et un rejet total et permanent d’un parent biologique ait des effets délétères à long terme sur le développement psychologique des enfants. … De la même manière il existe des indicateurs cliniques mais aucune recherche empirique démontrant qu’en abandonnant la relation avec son enfant, le parent rejeté et l’enfant finiront plus tard par se réconcilier et reprendre leur relation.[79]
Comme l’écrit Johnston : “Les développements à long terme [du travail thérapeutique avec les enfants aliénés et leurs familles] en sont au stade des conjectures et sont actuellement inconnus”.[80]
Comme on peut le voir, ces auteurs ont en commun des présupposés non-remis en cause concernant le rôle des tribunaux et des professionnels de santé mentale en matière de conflits parentaux au sujet de la garde des enfants.[81] Ils utilisent un modèle médical, qui pose que toute difficulté interpersonnelle grave peut et doit être résolue par des interventions de professionnels de santé mentale. En conséquence ils réclament aux tribunaux d’ordonner à des parties qui ne sont coupables ni de violences ni de négligence sur leurs enfants d’employer et de coopérer avec des équipes de professionnels coûteuses et intrusives, y compris lorsqu’il n’existe aucune garantie qu’une amélioration appréciable de la situation surviendra avant que les ressources financières de la famille aient été épuisées, ou que les résultats obtenus seront visiblement meilleurs que ceux auxquels on pourrait s’attendre sans intervention.
Qu’ils croient ces interventions appropriées provient peut-être en partie du développement de la notion d’intérêt supérieur de l’enfant et du rôle accru des parents non-gardiens. Le développement, bien intentionné, de ces deux changements a donné lieu à un accroissement des contentieux autour de la garde des enfants et à l’extension du rôle des médiateurs et experts évaluateurs. Des parents qui étaient autrefois estimés sinon présumés aptes à la garde des enfants (et capables de prendre pour eux des décisions saines) sont maintenant l’objet de surveillance étroite et de décisions de justice qui requièrent une large coopération et des contacts fréquents entre les parents de l’enfant. Cela a entraîné également un élargissement des médiations et enquêtes autour de la garde des enfants à des familles de moins en moins problématiques et de moins en moins aisées. Ces changements sont par ailleurs survenus de manière graduelle ce qui masque le fait que l’attitude des parents dans un contexte post-séparation ou post-divorce est traitée d’une manière plus intrusive que dans d’autres contextes.
Bien que la séparation parentale puisse évidemment causer ou exacerber des difficultés intra-familiales, la question de savoir à quel degré l’intervention publique est justifiée relève de choix de politique publique et de droit. Certaines difficultés, bien qu’extrêmement regrettables, sont à raison laissées aux familles et aux personnes, qui se chargent, le cas échéant, de leur règlement dans le cadre privé. Lorsqu’un parent décède, par exemple, il n’existe actuellement aucune doctrine de droit familial qui impose un accompagnement au deuil pour l’enfant mineur ou le conjoint survivant, à moins qu’un comportement (négligence, agressions ou autres conduites criminelles) ne justifie une intervention coercitive. Il est fondé de se demander si une réponse différente paraît justifiée lorsque ces difficultés émotionnelles surviennent dans un contexte de séparation ou de divorce. La présence de deux parents exprimant des souhaits contraires est une raison pertinente bien-sûr, mais à un degré bien moindre que le considère la pratique actuelle.
En effet, ce genre de mesures est recommandé dans un contexte de garde par le rapport d’une étude conduite sur 25 années à la suite d’une enquête pionnière fondée sur l’observation de 131 enfants de familles divorcées en Californie. L’ouvrage initial, intitulé Surviving the Breakup,[82] a montré des différences dans les réactions des enfants à la séparation de leurs parents. Ces différences correspondaient au stade de développement des enfants. Les auteurs, les psychologues Judith Wallerstein et Joan Kelly, ont remarqué un comportement caractéristique de colère chez les enfants âgés de 9 à 12 ans, qui faisaient très souvent porter la faute au parent qu’ils pensaient responsable du divorce et qui prenaient le parti du parent qu’ils estimaient innocent.[83] Gardner s’est servi de ce travail d’une manière qui montre qu’il s’est trompé dans l’estimation de l’incidence,[84] des causes et des conséquences de telles prises de partie des enfants pour un parent, et Gardner a donc préconisé des solutions inappropriées. Il semblerait que les promoteurs de la notion d’ “enfants aliénés” aient eux aussi réagi de manière exagérée.
Le plus remarquable est que d’après Wallerstein, les alliances de ces enfants sont transitoires, tous les enfants abandonnant ensuite leur posture extrémiste, la plupart du temps en un ou deux ans, et de toute manière avant d’atteindre 18 ans.[85] Wallerstein indique que les enfants restent tout le long avec le parent gardien mais sont profondément embarrassés à l’égard du parent qu’ils ont si mal traité auparavant. Ceci est radicalement différent de la prédiction non prouvée de Gardner, selon laquelle en l’absence d’une intervention immédiate et ferme, le parent rejeté risquerait d’être définitivement coupé de son enfant. Wallerstein rapporte l’ordre des événements de cette manière :
Dans ces situations [qui concernaient 1/5 des enfants examinés dans cette étude], l’enfant est généralement un pré-adolescent ou un jeune adolescent et le parent rejeté est celui qui est à l’origine du divorce.… L’enfant … cherche à recréer la famille ou à aider le parent qui souffre.… La méchanceté dont faisaient preuve ces enfants, apparemment correctement élevés, était étonnante.…
Après avoir suivi ces alliances d’enfants et de parents pendant des années, j’en conclus qu’elles sont, dans leur grande majorité, de courte durée et qu’elles peuvent même s’inverser. Les enfants … en ont rapidement assez de cette méchanceté, ou bien éprouvent de la honte. Aucune de ces alliances ne s’est prolongée au-delà de l’adolescence et la plupart s’est effondrée au bout d’un ou deux ans.… [A] l’adolescence, la plupart des enfants retournent à des activités plus conformes à leur âge … Avec le temps il est probable qu’ils se retournent contre le parent qui les a incités à se conduire avec méchanceté….[86]
Puis, faisant allusion, de manière à peine voilée, à ceux qui soutiennent la théorie de Gardner, Wallerstein conclut :
Il y a grand avantage à laisser les choses mûrir de manière naturelle et à éviter des interventions trop extrêmes destinées à briser ces alliances, qui résultent généralement, et au contraire, dans leur renforcement. En l’espèce, ces alliances peuvent être comparées à une grippe d’intensité normale, qui mobilise le système immunitaire et génère des anticorps. Il ne s’agit pas de l’équivalent d’un cancer foudroyant pour lequel une intervention chirurgicale radicale ou l’amputation d’un membre serait à envisager, surtout si le chirurgien est mal entraîné.[87]
L’inquiétude de Wallerstein à propos des interventions extrêmes, bien que formulée dans le contexte de transferts de garde, semble s’appliquer tout autant à la large gamme de mesures coercitives préconisées un an plus tard par Johnston, Kelly, Sullivan et leurs co-auteurs.
Le travail de Johnston s’accommode encore moins de ces théories. Traitant des cas, apparemment insolubles, qu’elle a observés lors de ses enquêtes sur les conflits sévères autour de la garde des enfants, elle est d’abord allée plus loin que Wallerstein, critiquant ouvertement les recommendations de Gardner :
Selon notre expérience, retirer de force … des enfants au parent gardien pour les confier au parent rejeté, comme le préconise Gardner (1987), est une décision mal avisée dont il est probable qu’elle sera non seulement inefficace mais réellement punitive et nocive parce qu’elle intensifie généralement le problème.[88] En effet Johnston se demandait même si, dans un contexte aussi hostile, il fallait demander aux enfants d’aller rendre visite au parent rejeté.
Remarquant que la littérature spécialisée n’indique pas dans quelles circonstances le droit de visite est bénéfique pour les enfants, elle conclut :
Malgré le fait que les professionnels de santé mentale le recommendent et que les tribunaux ordonnent tous les jours des droits de visites pour des milliers d’enfants, il n’existe que peu de connaissances justifiant de telles décisions.[89]
Dans des publications plus récentes, Johnston indique que :
l’aliénation grave … survient la plupart du temps dans les situations de conflit très sévère autour de la garde des enfants [et] est peu fréquente parmi la population plus large des enfants de couples divorcés.[90]
Elle recommande également d’éviter les passages trop fréquents d’un parent à l’autre si l’enfant montre des signes de stress prolongé lié à ces échanges[91] Les recommandations de Johnston sont bien perçues.[92] Mais, étant donné ses bonnes analyses, il est cependant troublant que Johnston endosse ouvertement plusieurs aspects coercitifs du cadre légal de Sullivan et Kelly.[93] Jusqu’à ce qu’elle clarifie elle-même sa pensée, compte tenu de ses nombreuses publications remettant en cause le bien-fondé ou la nécessité de telles mesures, l’apparent soutien que Johnston semble apporter à l’idée de forcer les membres de familles hautement conflictuelles à des contacts réguliers doit être interprété avec précaution.
Les dégâts causés par le SAP et les recommendations troublantes récemment formulées relativement aux enfants aliénés (EA) indiquent clairement que le moment est venu d’une réflexion approfondie sur des objectifs réalistes en droit de la famille. On ne devrait pas pouvoir imposer à des enfants des conditions de vie qui déstabiliseraient voire anéantiraient même des adultes des plus solides.[94]Afin de préserver les chances qu’un enfant se développe de manière saine, les parents, juges et professionnels de santé mentale doivent regarder en face la situation de l’enfant. Cela suppose de comprendre de manière réaliste les limites des techniques de résolution des conflits, de la thérapie et des contraintes judiciaires dans les cas hautement conflictuels. Les objectifs exagérément ambitieux mais présentant des chances de succès minces doivent être abandonnés dans la perspective d’alléger le fardeau émotionnel porté par l’enfant, de respecter ses peurs et d’améliorer son équilibre émotionnel.
Recommendations et conclusions
Les enfants dont les parents sont en désaccord ou qui ne coopèrent pas pour leur prise en charge se trouvent au coeur de conflits de loyauté qui ne peuvent que les stresser voire les briser.[95] Nous n’en savons pas encore suffisamment sur la manière dont les enfants construisent des relations de loyauté et de rejet ni comment ils les résolvent lorsqu’ils deviennent plus mûrs, que ce soit dans des foyers intacts ou divisés. Jusqu’à ce que nous en sachions plus, les thérapeutes et les tribunaux devraient agir avec circonspection. Une masse de travaux de recherche qui va se développant souligne le contexte difficile sinon violent auquel un pourcentage élevé d’enfants pris dans des conflits de garde cherche à échapper.
Le SAP tel que Richard Gardner l’a conçu et promu n’a aucun fondement logique ni scientifique. Il est rejeté par des chercheurs reconnus en sciences sociales et manque de fondement sérieux en termes de théorie et de recherche en psychologie. La notion d’enfants aliénés, bien que plus subtile dans son approche des difficultés de relation entre parents et enfants, préconise ses propres solutions, intrusives, coercitives et scientifiquement non-fondées. Les avocats, juges et professionnels de santé mentale qui traitent des questions de garde d’enfants doivent réfléchir posément et proposer une réponse intelligente lorsqu’une accusation fondée sur l’une ou l’autre de ces théories est formulée.
D’une manière plus générale, beaucoup plus d’interdisciplinarité au moment de la formation et des compétences en méthodologie scientifique de bien meilleure qualité sont requises : elles devraient être utiles lorsqu’est proposée une nouvelle théorie, susceptible, si elle est validée, de modifier l’interprétation et l’application des principes du droit de la famille (par exemple le concept d’intérêt supérieur de l’enfant). Bien que le recours à des experts-témoins soit utile, les personnes chargées de prendre des décisions doivent accomplir leur propre travail au lieu de se fier sans se poser la moindre question à l’avis des experts. Ceci se vérifie particulièrement dans les domaines de la psychologie et de la psychiatrie, où même les experts développent des points de vue très divergents et où les professionnels, par accident ou intentionnellement, se permettent parfois de proposer des opinions qui dépassent le champ de leur compétence. Les avocats et les juges sont formés à poser les questions difficiles et cette compétence devrait être mise en oeuvre dans ce domaine.
La première question est de savoir si la rigueur scientifique d’une théorie a été reconnue par une instance professionnelle respectée, par exemple le DSM IV[96] de l’Association Américaine de Psychiatrie ou l’ICD-10 de l’Organisation Mondiale de la Santé..[97] Lorsqu’aucune reconnaissance de ce type n’existe, il faut se demander si la validation de cette théorie a été sollicitée et rejetée ou s’il est encore tôt pour l’évaluer. Les idées trop récentes, ou bien pour lesquelles aucun critère d’évaluation n’existe, peuvent néanmoins être valables[98] à condition toutefois que leur honnêteté scientifique et leurs limites soient clairement comprises. Cela peut être effectué en vérifiant l’échantillon (s’il y en a un) sur lequel la théorie repose, la méthodologie et les suppositions qui ont déterminé le recueil des données, la manière dont des conclusions ont été tirées, la probabilité que les extrapolations tirées soient justes, le degré de pertinence interne des affirmations et leur compatibilité avec les connaissance existantes et enfin le rapport entre bénéfice et risques si la théorie est invalidée par la suite.[99]
La difficulté est d’impliquer dans le traitement de ce problème les compétences et les critères d’évaluation qu’il mérite : une pensée objective, un scepticisme de bon aloi, une pensée rigoureuse, et une analyse politique saine. Si la responsabilité engagée est grande, l’occasion de faire évoluer les choses l’est tout autant. Comme l’exprimait le grand philosophe du droit Jerome Frank :
Certains souhaits, bien sûr, quels que soient les efforts déployés pour les réaliser, ne sont jamais exaucés. Mais il est toujours possible de remplacer le fait de prendre ses “désirs pour des réalités” (wishful thinking) par ce que Neurath avait joliment nommé “formuler des souhaits raisonnables” (thinkful wishing). Espérons donc que le fonctionnement de la justice puisse être amélioré. Si nous le faisons, nous reconnaîtrons… que [les tribunaux de première instance] mènent des enquêtes qui conduisent souvent à des injustices graves. Nous rechercherons alors de quelle manière cette tâche peut être mieux accomplie. Bien que ces efforts n’atteindront pas la perfection, j’émets l’hypothèse qu’ils ne seront pas complètement infructueux.[100]
* © Carol S Bruch 2008. Ce texte est la traduction autorisée de l’article “Parental Alienation Syndrome and Alienated Children– getting it wrong in child custody cases”, 14 Child & Family Law Quarterly 381 (2002), disponible, ainsi que cette traduction, sur http://www.thelizlibrary.org/bruch/. En cas de divergence, se reporter à la version anglaise. Cet article contient des informations relatives aux autorités anglaises et reprend, avec autorisation, des éléments préalablement publiés dans les articles de Carol S Bruch, “Parental Alienation Syndrome : Junk Science in Child Custody Determinations”, 3 European J.L. Reform 383 (2001) et “Parental Alienation Syndrome and Parental Alienation : Getting it Wrong in Child Custody Cases”, 35 Family Law Quarterly 527 (2001), disponibles sur http://www.thelizlibrary.org/bruch/.
* Professeur distinguée émérite et chercheur en droit, Université de Californie, Davis. L’auteur remercie, pour leur aide généreuse et qualifiée, les bibliothécaires Margaret Durkin, Erin Murphy, Susan Llano et Elizabeth McKennie de la faculté de droit Davis (UC Davis Law Library). Elle est également reconnaissante à Me Tony Tanke, à Madame Beth Tanke (Docteur) et à ses collègues les professeurs Floyd F Feeney et Edward J Imwinkelried pour l’avoir aidée à affiner sa pensée ainsi qu’aux professeur Nigel Lowe et Madame Denise Carter (chevalier de l’ordre britannique, Order of the British Empire) pour leurs remarques judicieuses concernant le Royaume Uni. Les erreurs ou omissions dans l’article original comme dans sa traduction ne sont imputables qu’à l’auteur.
Version anglaise :
Source :
Cet article a originellement été publié en français sur le site canadien francophone Sisyphe : http://sisyphe.org/spip.php?article3623
Notes :
[1] Richard A. Gardner, “Recent Trends in Divorce and Custody Litigation,” Academy F., vol. 29 no. 2, p. 3 (American Academy of Psychoanalysis 1985).
[2] Richard A. Gardner, The Parental Alienation Syndrome xix (Creative Therapeutics 2° édition 1998) [ci-après désigné par Gardner (2° édition )] cité dans “Commentaires introductifs au SAP”, autrefois disponible sur le site http://www.rgardner.com/refs/ (ci-après désigné par site internet de Gardner) : la présentation actuelle a été légèrement reformulée et se trouve sur le site de Gardner (dernière mise à jour du 31 mai 2001 et dernière visite du 16 septembre 2001) sous le titre Eléments fondamentaux concernant le SAP. Une lecture précise et des comparaisons méticuleuses entre les sources sont cruciales concernant les théories de Gardner : fréquemment chez lui, la reformulation n’implique aucun changement quant au fond.
[3] Concernant la fréquence des cas contenant des agressions sexuelles, voir les rapports soigneux et complets issus de l’importante recherche de Nancy Thonnes et Patricia G. Tjaden, “The Extent, Nature and Validity of Sexual Abuse Allegations in Custody/Visitations Disputes” 14 Child Abuse and Neglect 151s., et spéc. p. 160 (1990), (“moins de 2% des quelque 9000 familles, observées dans cette étude, traversant des difficultés de garde et de droits de visite traitées par 8 tribunaux familiaux, contenaient des accusations d’agressions sexuelles”) (je souligne)Voir aussi Debra Whitcomb, When the Victim is a Child 7 (US Dept of Justice, Office of Development, Testing and Dissemination 2° édition 1992), (“Afin de cerner l’étendue du problème d’une autre manière, des accusations d’agressions sexuelles ont été formulées dans une proportion approximative de deux à un cas de divorces pour mille parmi les tribunaux [de sept juridictions] étudiés” (je souligne)). Voir également une analyse du travail de Gardner par un professeur de travail social également qualifié en psychologie de l’Université du Michigan, Kathleen Coulbourn Faller, “The Parental Alienation Syndrome—What is it and What Data Support It?”, Child Maltreatment 110-115 (1998).
[4] Comparer Richard Gardner, The Parental Alienation Syndrome 59 (Creative Therapeutics 1992) (qui cite la statistique de 90%) (ci-après désigné par Gardner 1992) avec Gardner (2° édition), op. cit., note 2, p. xxix-xxxi (qui affirme qu’aucune estimation du SAP ne peut être établie et mentionnant des cas de prises de partie — un phénomène différent et bien plus large — pouvant atteindre une proportion de 40% des cas de garde conflictuels).
[5] En effet, la définition du SAP sur le site internet de Gardner ne se réfère plus aux allégations d’agressions sexuelles (peut-être en réaction aux critiques adressées à Gardner à propos de ses affirmations quant à la fréquence des allégations mensongères d’agressions sexuelles). Voir le site de Gardner mentionné supra note 2 puis infra notes 21, 46-48. Gardner reconnaît aussi à présent que “certains parents agresseurs-négligents se servent du SAP … afin de dissimuler et de créer une sorte de diversion”. Les publications et conférences qu’il donne pour aider ceux qui doivent faire la différence entre vraies et fausses allégations d’agressions ou de négligence ressemblent pourtant fortement à son travail antérieur, discrédité, sur l’Echelle de Légitimité des Agressions Sexuelles, décrit plus bas. Voir Richard A. Gardner, “Differentiating Between Parental Alienation Syndrome and Bona Fide Abuse-Neglect”, 27 Am. J. Fam. Therapy 97 (1998) et notes 21 puis 46-48 infra.
[6] Deux exemples illustrant ce point sont d’une part ses efforts pour distinguer les vraies des fausses allégations mais d’autre part le conseil qu’il adresse aux juges en général de ne pas prendre au sérieux les allégations de violence formulées par des enfants, même lorsqu’elles sont étayées par un thérapeute qui a rencontré l’enfant. Comparer par exemple Richard A. Gardner, “Legal and Psychotherapeutic Approaches to the Three Types of Parental Alienation Syndrome Families — When Psychiatry and Law Join Forces”, 28 (1) Ct. Rev. 14 s., et spéc. p. 18 (Printemps 1991), ci-après désigné par Gardner Ct. Rev., (“Le thérapeute désigné par le tribunal doit avoir les nerfs solides et résister aux cris perçants et aux plaintes des enfants dénonçant des maltraitances. … Prendre au sérieux des allégations de maltraitances … risque de conduire à … une aliénation [prolongée ou durant toute la vie]”), avec les autorités mentionnées en notes 16, 21 puis 46 à 48 infra, assorties d’un texte d’accompagnement questionnant sa méthodologie et discutant de l’incidence des fausses allégations.
[7] Ibid. p. 16-17, dans ce passage, son discours, a été légèrement adouci mais pas la substance de ses recommandations.
[8] Eleanor E. Maccoby et Robert H. Mnookin, Dividing the Child – Social and Legal Dilemmas of Custody spéc. p 132-161 (Harvard Univ. Press 1992). Environ 25% des familles connaissent des conflits de garde sérieux : “dans ces familles, les parents — en particulier les pères — nourrissent un degré particulièrement élevé d’hostilité à l’égard de leur ancienne conjointe”. Ibid p. 159.
[9] Administrative Office of the Courts, Family Court Services Snapshot Report 1 – Overview of California Family Court Services Mediation 1991: Families, Cases and Client Feedback spéc. p. 8-12 (1992), disponible sur http://www.courtinfo.ca.gov/programs/cfcc/pdffiles/r01sum.pdf. En Californie, la médiation est obligatoire pour tous les cas de garde litigieux. Dans cette étude, conduite à l’échelle de l’Etat, portant sur la plupart des sessions de médiation conduites par du personnel judiciaire au cours d’une journée, des plaintes graves d’agressions sur enfants, de violences familiales et d’abus de substances ont été formulées par les parties dans 42% des familles; 24% supplémentaires ont formulé au moins une de ces trois plaintes. Dans une analyse de cinq projets financés au plan fédéral et visant à la résolution des problèmes de droits de visites, les chercheurs rapportent : “Pratiquement la moitié des cas de refus de droits de visites impliquent des allégations selon lesquelles la sécurité de l’enfant serait menacée. La plupart de ces allégations sont formulées par le parent gardien, quelque soit son sexe, contre le parent non-gardien et d’autre personnes de son foyer. L’accusation fondée de comportement violent est celle qui est la plus fréquemment soulevée contre des hommes”. Jessica Pearson et Jean Anhalt, “Enforcing Visitation Rights — Innovative Programs in Five State Courts May Provide Answers to This Difficult Problem”, 33 (2) Judges’ Journal 3 spéc. p. 40-41 (Printemps 1994) : cette référence cite quatre études supplémentaires qui indiquent également que “les inquiétudes concernant la sécurité de l’enfant sont centrales dans de nombreux litiges autour de la garde des enfants”).
[10] Voir Judith S. Wallerstein et Joan Berlin Kelly, Surviving the Breakup – How Children and Parents Cope with Divorce spéc. p. 77-80 (les 9-12 ans sont particulièrement susceptibles de prises de parti [alignments], ce comportement d’adaptation au divorce leur permettant de se protéger de la solitude, de la tristesse et de dépressions plus graves), 99, 145-146 et 233-234 (corrélation faible entre la colère ressentie par les enfants et le degré de conflit entre les parents), 237, 253 (Basic Books 1980); Judith A. Wallerstein, Julie M. Lewis et Sandra Blakeslee, The Unexpected Legacy of Divorce – A 25 Year Landmark Study spéc. p. 115-117, 125 (Hyperion 2000) (les alliances [alliances] avec les parents concernent surtout les pré-adolescents ou les jeunes adolescents dans des cas très conflictuels et lorsque “l’hostilité éclipse le bon sens”); Janet R. Johnston, “Children of Divorce Who Refuse Visitation”, in Nonresidential Parenting 109-135, et spéc. p. 124 (Charlene E. Deptner et James H. Bray eds Sage 1993) [ci-après désigné par Johnston, Children Who Refuse Visits].
[11] Voir American Psychiatric Association, Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders: DSM-IV §297.3: désordre psychotique partagé (“Folie à deux”) (4° édition 1994) “Ce désordre [dans lequel une seconde ou une tierce personne, fortement liée à une autre, déjà atteinte de désordres psychotiques, le plus souvent une schizophrénie, en arrive à en partager les convictions délirantes] est rare dans les contextes cliniques, bien qu’il a pu être dit que certains cas passaient inaperçus”); Jorg M. Fegert, “Parental Alienation oder Parental Accusation Syndrome?—Part I”, Kind-Prax 1/2001, p. 3 (ci-après désigné par Fegert, Part1); ibid., Part 2, Kind-Prax 2/2001, 39 s., et spéc. p. 41-42 (ci-après désigné par Fegert, Part 2) (cette étude se réfère à une recherche de la Würzburger Klinik pour la période de 1877 à 1995 qui révèle l’observation de 69 cas d’enfants et de jeunes correspondant à la description de la “folie à deux”); Jose M. Silveria et Mary V. Seeman, “Shared Psychotic Disorder : A Critical Review of the Literature”, 40 Canadian J. Psychiatry 380 s., et spéc. p. 390-391 (1995) (cette étude se réfère à une recherche menée sur 51 ans de 1942 à 1993 qui a révélé 123 cas, parmi lesquels seulement 75 satisfaisaient aux tests révélant un désordre psychotique partagé selon le DSM-IV; parmi ces cas, 61 impliquaient 2 personnes et parmi ceux-là encore 31,1% (soient 19 cas) impliquaient des parents et des enfants, avec seulement 5 cas parmi ceux-là impliquant des des enfants de 18 ans ou moins). Siveria et Seeman remarquent qu’il n’est pas indiqué si l’échantillon de population sélectionné pour les rapports publiés est représentatif et reflète la fréquence d’occurrence de ces troubles; mais Fegert (op. cit., note 11) comme le DSM-IV (voir plus haut) décrivent tous deux ce phénomène comme rare. Voir également l’OMS, International Statistical Classification of Diseases and Related Health Problems (ICD-10), Disorder F24 : Induced Delusional Disorders (“Folie à deux”), p. 331 (10° édition 1992).
[12] Silveria et Seeman, op. cit., note 11, p. 390 et 392, : “Les catégories d’âges étaient identiques pour les secondaires (10 à 81 ans) et les primaires (9 à 81 ans)” (NdT: les primaires sont les personnes atteintes de psychose à l’origine, les secondaires , celles rendues psychotiques par les premières). Il n’y avait pas de différences non plus en ce qui concerne l’âge moyen des personnes primaires et secondaires. Au contraire, “la répartition des âges correspond plus à celle généralement observée pour le début des autres troubles psychotiques non-organiques, qui sont relativement rares chez les très jeunes et les très vieux.” Ibid.
[13] “Le refus de visite correspond, chez les jeunes enfants par exemple, à une angoisse de séparation spécifiquement liée au divorce et au développement attendu de l’enfant dans ce contexte; le phénomène est rendu plus intense lorsqu’existe un conflit patent entre les parents” et n’est pas lié à des troubles émotionnels des parents ou des enfants. Johnston, “Children Who Refuse Visits,” op. cit., note 10, p. 118. Pour des solutions adaptées aux parents en conflit chronique aux stades de développement des enfants étudiés par Johnston, voir ibid. p. 120 : “réactions temporaires chez les 2-4 ans, allégeances passagères changeantes chez les 4-7 ans, conflits de loyauté chez les 7-10 et prises de partie (alignments) chez les 9-12 ans”.
[14] Il est évidemment fait référence à l’histoire de ces aveugles, chacun tentant de décrire un éléphant. L’un tient la queue, un autre la trompe, un troisième une défense et le quatrième une patte. Chacun décrivant l’animal à partir de ses propres impressions, aucun n’en fournit une description exacte.
[15] Ainsi que Faller le souligne, Gardner n’essaie pas d’expliquer pourquoi il croit que “peut-être 95% sinon plus” des allégations d’agressions sexuelles formulées par des enfants sont vraies mais qu’ “une vaste majorité des allégations formulées dans [un contexte de divorce] sont fausses”. Faller, op. cit., note 3, p. 103-104.
[16] Concernant la fréquence des allégations d’agressions sexuelles non prouvées , voir les éléments réunis et analysés dans John E.B. Myers, A Mother’s Nightmare – Incest: A PracticalLegal Guide for Parents and Professionals spéc.133-135 et 198-210 (Sage 1997); voir aussi ibid., p. 144-145 (sur les mauvaises interprétations innocentes de comportements innocents); Cheri L. Wood, “The Parental Alienation Syndrome : A Dangerous Aura of Reliability”, 27 Loyola LA L. Rev. 1367, et spéc. p. 1373-1374 et 1391-1394 (1994).
[17] Gardner a par exemple qualifié une fois le procureur, dans un poursuite pénale d’agression sexuelles sur enfant, de “bras armé” (hired gun) de la mère. Il considérait que le défendeur présentait d’autant moins de risque d’être coupable que la femme avait recouru aux autorités judiciaires. Le procureur a par la suite souligné l’absurdité du raisonnement de Gardner en déclarant : “Si vous pensez que votre enfant a été agressé sexuellement, n’est-il pas normal d’aller voir un avocat et de chercher une assistance médicale?” Rorie Sherman, “A Controversial Psychiatrist and Influential Witness Leads the Backlash against Child Sex Abuse ‘Hysteria,’” 15 Nat’l L. J., 16 août 1993, p. 1. Le parent gardien se retrouve évidemment dans une situation intenable selon l’approche proposée par Gardner. Si ce parent ne réagit pas devant de possibles agressions subies par son enfant, il ou elle peut être considéré comme coupable de ne pas protéger son enfant : cette passivité peut conduire à une action judiciaire en protection infantile ou même à des poursuites pénales contre ce parent.
[18] Comparer Gardner (1992), op. cit., note 4, p. 146-147 (ces folies à trois avec la participation d’un thérapeute sont “un phénomène répandu”) et Gardner Ct. Rev., op. cit., note 6, p. 18, avec Faller, op. cit., note 3, p. 102-103 (qui rassemble et critique des passages pertinents des ouvrages de Gardner) et Fegert, Part 2, op. cit., note 11, p. 41 (rapports des folies à deux ou à trois sont extrêmement rares). Gardner déclare par ailleurs que lorsqu’existe une allégation d’agressions sexuelles, ces parents gardiens et ces thérapeutes peuvent ressentir un plaisir sexuel à s’imaginer les relations supposées entre le parent non-gardien et l’enfant. Voir Faller, op. cit., note 3, p. 103-104 et 110-111 (qui produit des citations de Gardner et de la recherche démontrant le contraire); voir aussi Gardner Ct. Rev., op. cit., note 6, p. 16 (Gardner estime que les accusationsproviennent des fantasmes sexuels des mères). On raconte qu’un juge qui avait siégé pendant un an dans un tribunal familial après avoir siégé des années dans un tribunal pénal disait déceler des cas de SAP dans “la plupart des cas qu’il avait examinés en droit de la famille” et recommandait aux juges des tribunaux familiaux de “garder à l’esprit que non seulement l’enfant, mais aussi les professionnels sur lesquels le tribunal s’appuie peuvent avoir subi un ‘lavage de cerveau de la part du parent aliénant ’.” “Judge Nakahara on PAS and the Role of the Court in Family Law,” Pas-Newsletter, janvier 1999, bulletin d’information pour les abonnés, p. 2-3 (non numérotées), disponible sur http://www.vev.ch/en/pas/bw199901.htm (dernière visite du 30 octobre 2002).
[19] Voir Richard A. Gardner, Addendum de mars 2000 (à Gardner (2° édition), op. cit., note 2), disponible sur http://www.rgardner.com/refs/addendum2.html (dernière visite du 30 septembre 2001).
[20] En 1993 le professeur Janet Johnston, spécialiste des litiges hautement conflictuels autour de la garde des enfants, titulaire de diplômes élevés en travail social et sociologie, publiait ses conclusions initiales issues de deux études de litiges hautement conflictuels, qui lui avaient été renvoyées par des tribunauxLes refus de visites étaient fréquents, surtout parmi une sous-catégorie d’enfants plus âgés qui ont été soumis à de la violence domestique ou à des agressions graves. Pratiquement un tiers de l’échantillon total d’enfants prenait parti pour un parent (alignments) pendant plus des 2 ou 3 ans qui suivaient la séparation, 3/4 des enfants de la tranche 9-12 ans optaient pour ce comportement. Johnston en concluait que “lorsque les conflits sont manifestes et impliquent les enfants et lorsque les conflits sont intenses et se prolongent dans le temps, les enfants présentent plus le risque d’opter pour une prise de parti (alignment) qui leur permette de se défendre et de faire face à la situation;” elle prédisait qu’il est “hautement probable que les enfants prendront parti au moment où ils approchent de l’adolescence, si le conflit parental persiste.” Elle oppose ces conclusions à des résultats bien plus minimes obtenus dans le cadre d’une étude de communauté menée sur 131 enfants de parents récemment séparés. Johnston, “Children who Refuse Visitation”, op. cit., note 10, p. 124. Dans cette population moins souffrante, 20% des enfants prenaient parti pour un parent (la plupart étaient âgés de 9 à 12 ans), mais toutes les situations se sont résolues seules avant les 18 ans des enfants, la plupart s’étant résolues dans les un à deux ans, à une époque où les enfants regrettaient leur comportement antérieur. Conversation téléphonique avec le Dr. Judith Wallerstein (10 avril 2001). Un autre rapport de Johnston à propos des enfants de tous ces groupes d’étude (les deux etudes commandées par des tribunaux et l’étude de communauté) paraîtra bientôt. Voir Janet R. Johnston, “Parental Alignments and Rejection: An Empirical Study of Alienation in Children of Divorce,” J. American Academy of Psychiatry and the Law (à paraître) (cette étude s’intéresse à l’impact des comportements “aliénants” de la part des mères et des pères et révèle que les parents rejetés sont souvent eux-mêmes les “architectes” de leurs difficultés avec leurs enfants).
[21] Gardner admet que son ELAS (Echelle de Légitimité des Agressions Sexuelles) a permis de déclarer innocents certains agresseurs qui étaient en fait coupables. Sherman op. cit., note 17. Bien que Gardner décline à présent toute responsabilité en ce qui concerne ces applications de son travail, il continue à s’appuyer sur les mêmes facteurs que dans ses travaux antérieurs. Voir, généralement, Faller, op. cit., note 3.
[22] Voir par exemple Gina Keating, “Disputed Theory Used in Custody Cases: Children Often Victims in Parental Alienation Syndrome Strategy”, Pasadena Star-News, 23 avril 2000; Mothers of Lost Children, Sample of California Family Law Cases: Children Taken Away from Safe Parents, Forced to Live with Abusive Parents (2000), disponible chez Mothers of Lost Children, P.O. Box 1803, Davis, CA 95617; Karen Winner, Placing Children at Risk: Questionable Psychologists and Therapists in the Sacramento Family Court and Surrounding Counties (The Justice Seekers 2000) (étude commandée par la California Protective Parents Association). Voir aussi Christine Lehmann, “Controversial Syndrome Arises in Child-Custody Battles”, Psychiatic News, 1° septembre 2000, p. 2 (non numérotée), disponible sur http://www.psych.org/pnews/00-09-01/controversial.html. Un ancien président de l’APA (American Psychiatric Association), Paul Fink, M.D. (Médecin), déclare : “Je suis très inquiet en ce qui concerne l’influence que Gardner et sa pseudo-science peuvent exercer sur les tribunaux…. Une fois que le juge admet le SAP, il est facile de conclure que les allégations d’agressions sont mensongères et les tribunaux attribuent la garde des enfants à des agresseurs présumés ou avérésGardner… est en train de détruire l’idée que les plaintes pour agressions sexuelles sont graves”. Ibid. Voir, généralement, Myers, op. cit., note 16, p. 8 et 135-138.
[23] Voir Karen “PP” c/ Clyde “QQ”, 602 NYS2d 709 (App. Div. 1993) (la référence faite par le tribunal à un livre sur le SAP qui n’était ni admis comme preuve ni invoqué par aucun des témoins n’a pas permis “l’annulation de la décision de transfert de garde chez le père et l’interdiction de contacts entre la mère et sa fille, dans un cas où le tribunal considérait que les accusations d’agressions sexuelles formulées par la mère avaient été créées de toute pièce et l’enfant manipulée (programmed); l’action initiée par la mère pour contester l’interdiction de contacts avec sa fille a été jugée comme non lieu à statuer (became moot) puisqu’un jugement ultérieur a établi des droits de visite; la Cour d’appel ne précise pas l’existence d’un témoignage oral d’expertise. Voir aussi Karen B c/ Clyde M, 574 NYS2d 267 (Fam. Ct. 1991) : où le jugement du tribunal de première instance est profondément troublant.
[24] Voir par exemple Fegert, Part 2, op. cit., note 11, p. 40–42; Johnston, “Children Who Refuse Visitation”, op. cit., note 10, p. 132–133.
[25] Voir Krebsbach c/ Gallagher, 181 AD2d 363 (NY App. Div. 1992) (ordonnance du tribunal de première instance décidant d’un transfert de garde contre l’avis et les recommendations du psychologue, et de l’avocat de l’enfant (Law Guardian),rejetée parce qu’insuffissamment étayée).
[26] Voir par exemple Justice (juge) R. James Williams, “Should Judges Close the Gate on PAS and PA?”, 39 Fam. Ct. Rev. 267 s., et spéc. p. 267 (2001) (l’article se réfère au “Dr. Richard Gardner, psychiatre de l’Université de Columbia”); Rola J. Yamini, “Note: Repressed and Recovered Memories of Child Sexual Abuse”, 47 Hastings L.J. 551 s., et spéc. p. 557, note 58 (1996) (cet article se réfère au “Dr. Richard Gardner, professeur de psychiatrie à l’Université de Columbia”); Joseph Berger, “Recanting a Sex Abuse Charge; Family Needs to Heal, but Which Statement Is the Lie?”, NY Times, 10 juillet 1998, p. B1 (l’article se réfère au “Dr. Richard A. Gardner, professeur de pédopsychiatrie à la faculté de médecine de l’Université de Columbia”); Jon Meacham, “Trials and Troubles in Happy Valley”, Newsweek (U.S. Edition), 8 mai 1995, p. 58 (l’article se réfère au “Dr. Richard A. Gardner, professeur de pédopsychiatrie à la faculté de médecine de l’Université de Columbia”). Gardner se présente lui-même en utilisant le titre honorifique qu’il détient de l’Université de Columbia, “Professeur clinique de médecine” (Clinical Professor of Medicine), un titre que les facultés de médecine attribuent aux docteurs qui permettent aux étudiants de venir observer leur pratique. Cependant, contrairement au titre de “Professeur de médecine clinique” (Professor of Clinical Medicine), le titre dont jouit Gardner ne fait pas de lui un membre permanent de la faculté et ne garantit aucune reconnaissance de sa recherche. Voir People c/ Fortin, 706 NYS2d 611 s., spec. p. 612 (Crim. Ct. 2000) : ce jugement fait état d’une déclaration de Gardner selon laquelle il se décrit comme bénévole à l’Université de Columbia; le jugement indique également que “à l’heure actuelle, [son] travail thérapeutique occupe 1 à 2% de son temps et que le reste de ses revenus provient de sa pratique d’expert près les tribunaux, [qui concerne de plus en plus le SAP]”. (L’affaire Fortin était un cas d’agressions sexuelles dans lequel le Dr Gardner a témoigné, utilisant le SAP, à propos de la crédibilité du plaignant. Le tribunal a refusé son témoignage parce qu’il n’a pas été prouvé que le SAP était généralement accepté dans la communauté professionnelle).
[27] Creative Therapeutics of Cresskill, NJ est la maison d’édition que Gardner a créée pour publier ses travaux. Voir People c/ Fortin, 706 NYS2d 611 s., et spéc. p. 612 (Crim Ct 2000) dans lequel il est précisé que depuis 1978 la maison d’édition de Gardner a publié et commercialisé tous ses livres à l’exception d’un ouvrage.
[28] Gardner, cherchant à réfuter les critiques formulées à l’encontre du SAP lui reprochant son absence de rigueur scientifique, a récemment publié un rapport sur des cas observés dans sa propre pratique et dans le cadre de ses consultations, pour lesquels il concluait à la présence d’un SAP; ce rapport résume des observations menées sur 99 enfants. Richard A. Gardner, “Should Courts Order PAS Children to Visit/Reside With the Alienated Parent? A Follow-up Study”, 19(3) Am. J. Forensic Psychol. 61 (2001). Ce rapport ne mène cependant à rien, puisque Gardner y confond des cas de droit familial, de droit pénal et de dommages corporels. Il omet au surplus des informations essentielles (par exemple l’âge des enfants, l’existence d’allégations de mauvais traitements et, le cas échéant, leur nature). Le rapport se sert aussi de cas pour lesquels Gardner n’a eu aucun contact avec les enfants concernés. Egalement, Gardner traite de manière équivalente de questions très différentes tant du point de vue des faits que du droit : par exemple, Gardner prend des décisions de droit pénal et de responsabilité civile (dans lesquelles les tribunaux n’avaient aucun pouvoir de modification de garde des enfants) pour des cas de garde ou de droits de visite dans lesquels selon lui le SAP n’avait pas été pris en compte pour modifier la garde.
[29] Une recherche électronique menée le 30 avril 2001 sur le réseau Research Libraries Information Network (RLIN), base de données qui inclut les ouvrages de plus de 160 grandes bibliothèques, révélait que seulement 9 d’entre elles détenaient l’une ou l’autre des deux éditions du livre de Gardner, The Parental Alienation Syndrome.
[30] Voir le site de Gardner, note 2 supra, pour une liste de ses interventions en tant qu’expert. Voir, généralement, Sherman, op. cit., note 17.
[31] Voir d’une manière générale Williams, op. cit., note 26, p. 269 et note 21 (à propos des sites internet des groupes de pères).
[32] Voir, généralement, le site de Gardner, note 2 supra, pour une liste de ses formations.
[33] Voir par exemple les publications et cas mentionnés sur son site internet. Son site établit, à l’appui du SAP, une liste de publications qui y sont en fait hostiles, prétend que des débats sur des phénomènes différents (tels que par exemple les prises de parti (alignments)) traitent du SAP, affirme que les cas judiciaires dans lesquels la moindre référence au SAP apparaît sont des décisions qui reconnaissent le SAP d’un point de vue scientifique et légal et déclare que des articles publiés dans des revues dotées d’un comité scientifique spécialisé en droit ou en médiation (ce qui est le cas des revues dans lesquelles ses travaux sont publiés, et qui ne permettent donc pas de valider scientifiquement ses affirmations) sont la preuve que le SAP est scientifiquement établi.
[34] Voir Gardner, Ct. Rev., op. cit., note 6.
[35] Ibid. (“Richard A. Gardner, Docteur en Médecine est professeur clinique en pédopsychiatrie à l’Université de Columbia, Faculté de médecine et de chirurgie”).
[36] Gardner se réfère plus précisément à cet essai de Sigmund Freud: “Three Contributions to the Theory of Sex: II – Infantile Sexuality”, in The Basic Writing of Sigmund Freud loc.cit. p. 592–593 (A. A. Brill ed. 1938, The Modern Library, ). Gardner le cite pour étayer son propos dans les cas contenant des accusations d’agressions sexuelles : “Je pense, comme Freud, que les enfants sont des ‘pervers polymorphes’ et qu’ils fournissent donc à [leurs] mères amplement de quoi projeter [leur propre inclination pédophile] sur le père”. Gardner poursuit sa dangereuse exagération en ajoutant que la haine ressentie par un enfant à l’encontre d’un parent est “superficielle” et en mettant les juges en garde : “ prendre au sérieux les accusations de mauvais traitements [pourrait] être à l’origine de l’apparition d’un SAP et déboucher sur une aliénation durable sinon définitive”. Gardner, Ct. Rev., op. cit., note 6. Comparer ce point de vue avec celui de chercheurs réputés mis en évidence supra, notes 15-18.
[37] Voir récemment par exemple un dossier “amicus curiae” (NdT: “friend of the court brief” : système américain permettant à des personnes de constituer un dossier dans une affaire pour laquelle elles ne sont pas partie mais éprouvent un intérêt) : “Le dossier de l’ amici curiae Leslie Ellen Shear et al.”, dans le cas Montenegro c/ Diaz, Cour Suprême de Californie No S090699 (2001). Ecrit pour des médiateurs, thérapeutes et avocats californiens certifiés en droit de la famille, ce dossier propose de reduire la charge de la preuve pour la modification de la garde des enfants (y compris les transferts de garde) et s’appuie sur la notion de SAP. Ibid., p 26–30. Des juges ont également endossé la notion de SAP. Voir par exemple les remarques de la juge Aviva Bobb, présidente du tribunal familial de la cour supérieure de Los Angeles (Los Angeles Superior Court Family Court, citée par Keating, op. cit., note 22 :
[Même si le SAP n’est pas scientifiquement prouvé] cela ne signifie pas qu’il n’existe pas. Un parent parvient à mettre en péril la relation de l’enfant à l’autre parent. Cela est si grave que l’enfant ne parviendra pas à créer un lien [sic] à ce parent-là…. Et à moins que le parent arrête de se comporter de cette façon, ce parent doit être surveillé par un tiers.
[38] Gardner lui-même reconnaît à présent que cela se produit fréquemment. Keating, op. cit., note 22 (Gardner déclare : “A présent que le SAP est devenu un diagnostic répandu, de nombreux agresseurs prétendent être d’innocentes victimes du SAP.”).
[39] La plupart des cas judiciaires référencés comme admettant la recevabilité du SAP, qui sont listés sur le site de Gardner correspondent à cette catégorie : cette liste est donc trompeuse. Lorsque le SAP est invoqué par une partie, un expert ou un juge mais qu’aucun débat concernant sa recevabilité ou la décision prise n’a été soulevé, aucune conclusion ne peut être tirée concernant sa recevabilité ; on a simplement renoncé à soulever la question. Voir par exemple In re Violetta B, 568 NE2d 1345 (Ill. Ct. App. 1991) (Le SAP a été mentionné par un témoin mais n’a pas été discuté et a été considéré sans pertinence pour la décision; Crews c/ McKenna k/a Kuchta, 1998 Minn App LEXIS 793 (7 juillet 1998) (le jugement reconnaît un “fond d’authenticité” dans les peurs ressenties par un enfant de 11 ans mais considère “certains” comportements de l’enfant comme relevant d’un SAP); Truax c/ Truax k/a Briley, 874 P2d 10 (Nev. 1994); Loll c/ Loll, 561 NW2d 625 (N.D. 1997) (la cour suprême de l’état a confirmé le jugement du tribunal de première instance estimant que l’aliénation n’avait pas été démontrée; la cour a noté que selon la mère le thérapeute de son fils n’avait “pas conscience que [l’enfant] … souffrait d’un SAP” mais n’a pas répondu à cette remarque).
[40] Aux Etats-Unis les témoignages fiables d’experts s’appuyant sur des connaissances scientifiques, techniques ou d’autres spécialités sont généralement admis s’ils aident le juge ou le jury (the trier of fact) à comprendre des preuves ou à déterminer les faits. Le test de “reconnaissance générale dans un domaine particulier” (the general-acceptance-in-a-particular-field test) a d’abord été présenté aux tribunaux fédéraux dans Frye c/ United States, 293 F. 1013, loc. cit. p.1014 (D.C. Cir. 1923). Il est ensuite également devenu le test utilisé dans la plupart des cours d’états. Paul C. Giannelli et Edward J. Imwinkelried, 1 Scientific Evidence § 1–5 (LEXIS Law Pub., 3d ed. 1999). La Cour Suprême des Etats Unis a ensuite estimé que selon les Règles Fédérales des Preuves (Federal Rules of Evidence) adoptées en 1975, le test Frye devait être remplacé par le test employé dans Daubert c/ Merrell Dow Pharm., Inc., 509 U.S. 579 (1993). La plupart des états ont également remplacé le test Frye par le test Daubert, le nouveau test prenant en compte plusieurs facteurs pour déterminer la fiabilité scientifique d’une théorie. Giannelli et Imwinkelried, supra §§ 1–7 à 1–8 (comparaison des critères utilisés). Voir aussi ibid., § 9–5 (sur les témoignages d’experts).
[41] Voir par exemple In the Interest of TMW, 553 So. 2d 260, loc. cit. p. 261 (Fla. Dist. Ct. App. 1989) (pouvoir du tribunal d’ordonner une expertise psychologique, sans considérer les arguments du père qui s’appuyaient sur le SAP dans un cas d’adoption); Bowles c/ Bowles, No. 356104, 1997 Conn. Super. LEXIS 2721 (Conn. Super. Ct. 7 août 1997) (le tribunal a rendu un jugement sans s’appuyer sur la théorie du SAP); In re Marriage of Rosenfeld, 524 NW2d 212, loc. cit. p. 215 (Iowa Ct. App. 1994) (le tribunal a statué de la même manière). Voir également Pearson c/ Pearson, 5 P3d 239, loc. cit. p. 243 (Alaska 2000), dans lequel les affirmations du père relativement au SAP ont été entendues en première instance et apparemment non contestées par la mère en appel. La Cour Suprême a confirmé la décision du tribunal, qui avait conclu qu’il n’existait pas d’aliénation dans ce cas.
[42] Voir par exemple In the Interest of TMW, 553 So 2d 260, loc. cit. p. 261 note 3 (Fla. Dist. Ct. App. 1989); Hanson c/ Spolnik, 685 NE2d 71, loc. cit. p. 84 note 10 (Ind. Ct. App. 1997). Dans Hanson le juge Chezem détaillede manière magistrale les points avec lesquels il est d’accord et ceux avec lesquels il ne l’est pas et pointe les failles du SAP en tant que théorie et tel qu’il est utilisé dans ce cas. La Cour d’appel a confirmé le jugement de première instance ordonnant un transfert de garde (avec arrêt complet des contacts entre une mère et sa fille de 6 ans pour une durée de 2 mois) sur la base du témoignage d’un psychologue. Ce psychologue n’avait examiné ni l’enfant ni aucun de ses parents, mais a fondé son analyse sur des notes écrites par un thérapeute qui, à son tour n’avait jamais rencontré le père. L’opinion du juge Chezem est que bien que le père était incapable de travailler à cause d’un handicap nerveux, aucun des psychologues n’avait été en mesure de vérifier si les affirmations de la mère concernant le comportement du père étaient vraies (elle soupçonnait des agressions sexuelles). Un an après le transfert de garde, la mère était autorisée à une visite de 6 heures toutes les deux semaines sur sa fille. Voir également Pearson c/ Pearson, 5 P3d 239, loc. cit. p. 243 (Alaska 2000), dans lequel la cour suprême de l’état a déclaré que le SAP (qui était reconnu par les experts des deux parties) n’était “pas universellement reconnu”.
[43] Voir par exemple Tungate c/ Commonwealth, 901 SW2d 41 (Ky. 1995) (dans lequel le témoignage proposé par Gardner fournissant des « indicateurs de pédophilie » ont été rejetés parce que cela revenait à lui attribuer le rôle de juger de la culpabilité ou de l’innocence et parce que ces critères “manquaient de fondement scientifique suffisant”).
[44] Voir par exemple People c/ Fortin, 706 N.Y.S.2d 611 (N.Y. Crim. Ct. 2000); “Husband Is Entitled to Divorce Based on Cruel and Inhuman Treatment: Oliver V. c/ Kelly V.”, 224 NY Law J., 27 novembre 2000, p. 25 (le jugement note qu’aucun témoignage fourni par les parties n’a permis de valider le SAP et refuse par conséquent de le prendre en compte). Dans Fortin, le tribunal pénal a refusé d’admettre le témoignage sur le SAP de Gardner en faveur du défendeur, considérant que le défendeur “n’avait pas montré que le Syndrome d’Aliénation Parentale est généralement reconnu dans la communauté professionnelle, ce qui aurait fourni une base pour qu’il soit admis au tribunal”. A l’appui de sa décision, le tribunal citait l’opinion concordante (concurring opinion) de la juge Kaye, Présidente de la Cour d’appel de l’Etat de New York (New York Court of Appeal) [NdT: plus haute juridiction de cet état] et plusieurs articles dont celui de Wood, op. cit., note 16. Le tribunal cite également le point de vue de Gardner selon lequel “le concept de preuve scientifique … n’est pas applicable au domaine de la psychologie; en particulier pour les questions relatives aux conflits autour de la garde des enfants et les allégations d’agressions sexuelles”; le tribunal a cité les propres écrits de Gardner, pour lesquels il a subi un contre-interrogatoire. Voir également Wiederholt c/ Fischer, 485 NW2d 442 (Wis. Ct. App. 1992) (la Cour d’appel, sans discuter la validité du SAP, a maintenu le refus du tribunal de transférer la garde des enfants “aliénés” au père comme le préconisait son expert, au motif que “des ‘éléments de recherche insuffisants” appuyaient l’idée que ce transfert bénéficierait aux enfants, l’expert ayant lui-même reconnu que cette mesure comme traitement était controversée et comportait des risques non mesurables. Les témoignages des parents et des enfants ont corroboré les conclusions de la cour selon lesquelles le transfert de garde ne fonctionnerait pas et n’était pas raisonnable). Voir par contre Kilgore c/ Boyd, Case no. 94-7573 (13th Jud. Cir., Fla. 22 novembre 2000) (les minutes de l’audience indiquent que le témoignage de Gardner relatif au SAP a été autorisé) disponible sur http://www.rgardner.com/pages/kg_excerpt.html.
[45] Williams, op. cit., note 26, p. 275–278.
[46] Gina Keating, “Critics Say Family Court System Often Amounts to Justice for Sale”, Pasadena Star-News, 24 avril 2000. Une opinion tout aussi franche, par un universitaire renommé sur le SAP est parue dans la revue de l’association des avocats américains (American Bar Association Journal); faisant allusion à l’Echelle de Légitimité des Agressions Sexuelles” (SALS) qui était la base de la théorie du SAP de Gardner, à laquelle Gardner a finalement renoncé, le Professeur Jon R. Conte de l’école doctorale en action sociale de l’Université de Washington (University of Washington Social Welfare Doctoral Faculty) remarque : L’Echelle de Légitimité des Agressions Sexuelles (SALS) est « [p]robablement la cochonnerie la moins scientifique dont j’ai entendu parler de toute ma vie dans ce domaine. Appuyer une politique d’action sociale sur quelque chose d’aussi léger est extrêmement dangereux”. Debra Cassens Moss, “Abuse Scale”, 74 A.B.A. J., 1° décembre 1998, p. 26. Le point de vue de Gardner sur la pédophilie et sur ce qu’il considère comme une vague d’hystérie en matière de suspicions d’agressions sexuelles sur enfants ont également été sévèrement perçus ailleurs. Voir par exemple Jerome H. Poliacoff et Cynthia L. Greene, “Parental Alienation Syndrome: Frye v Gardner in the Family Courts”, disponible sur http://www.gate.net/~liz/liz/poliacoff.htm (il s’agit d’une version révisée d’un article paru sous le même titre originellement publié dans the Family Law Section, Florida Bar Association, Commentator, vol. 25, no 4, juin 1999).
[47] Voir par exemple Lucy Berliner et Jon R. Conte, “Sexual Abuse Evaluations: Conceptual and Empirical Obstacles”, 17 Child Abuse and Neglect 111 s., et spéc. p. 114 (1993) :
[L’Echelle de Légitimité des Agressions Sexuelles] s’appuie entièrement sur les observations personnelles de l’auteur à partir d’un nombre inconnu de cas vus dans le cadre de sa pratique légale spécialisée. Bien qu’il soit fait référence à des études [par Gardner], celles-ci ne sont pas publiées, pas décrites et sont d’une valeur inconnue. … En effet, à notre connaissance, l’échelle dans son intégralité et le syndrome d’aliénation parentale sur lequel elle s’appuie n’ont jamais été soumis aux moindres comité de lecture ou test empirique. En somme, il n’est pas démontré que cette echelle ait la capacité de faire prévisions valides en utilisant les critères identifiés.
Comme Faller le remarque au surplus, Gardner ne se réfère à aucune des études consacrées aux fausses allégations dans le cadre de divorces publiées avant ses travaux. Faller, op. cit., note 3, p. 106-108 (analyse des travaux de Gardner à la lumière de la littérature pertinente et constat de leur carence scientifique .
[48] Comme Faller le dit, Gardner a rejeté les chiffres produits par son Echelle de Légitimité des Agressions Sexuelles mais pas les facteurs qui conduisaient à ces chiffres. Bien que l’echelle ne soit plus mentionnée séparément dans les travaux publiés par la maison d’édition de Gardner, Creative Therapeutics, Faller, en se penchant sur les Protocoles plus récemment mis au point par Gardner, conclut :
[L]es éléments constitutifs de l’Echelle de Légitimité des Agressions Sexuelles se retrouvent dans ces Protocoles et, parmi ces derniers, le syndrome d’aliénation parentale est un indicateur central considéré comme le signe que les allégations d’agressions sexuelles sont mensongères.
Faller, op. cit., note 3, p. 105–106.
[49] Voir par exemple Metza c/ Metza, 1998 Conn. Super. LEXIS 2727 (Conn. Super. Ct. 1998) (les remarques désobligeantes de la mère “peuvent conduire à un SAP”); Blosser c/ Blosser, 707 So. 2d 778, loc. cit. p. 780 (Fla. Dist. Ct. App. 1998) (les parties ont dû admettre le rapport d’un psychologue dont la conclusion estimait que “l’enfant n’a pas montré les signes d’un SAP”); In re Marriage of Condon, 73 Cal. Rptr. 2d 33, loc. cit. p. 39 note 9 (Ct. App. 1998) ( il est fait mention [sans discussion] des “déclarations et éléments [provenant d’un psychologue] fournis par le pére relativement au SAP”; les guillemets suggèrent cependant que le tribunal a considéré ces éléments avec scepticisme); In re John W., 48 Cal. Rptr. 2d 899, loc. cit. p. 902 (Ct. App. 1996), (le père s’est vu attribuer la garde de l’enfant sans discuter l’avis de l’expert qui estimait que la mère, à la suite d’un SAP très léger et inconscient, croyait de bonne foi que le père avait agressé sexuellement l’enfant); White c/ White, 655 NE2d 523 (Ind Ct. App. 1995) (la mère a tenté d’introduire des éléments pour contrer les affirmations factuelles du père mais n’a pas remis en cause la théorie du SAP). Mais voir Wiederholt c/ Fischer, 485 N.W.2d 442 (Wis. Ct. App. 1992) (la Cour d’appel a maintenu le jugement de première instance qui refusait de transférer la garde des enfants “aliénés” vers le père ainsi que le préconisait son expert, parce que ce transfert de garde comportait des risques impondérables et que les témoignages des parents et enfants confirmaient qu’un tel transfert ne serait pas raisonnable); Bowles c/ Bowles, 1997 Conn. Super. LEXIS 2721 (Conn. Super. Ct. 1997) (le tribunal a refusé d’ordonner un transfert de garde parce que “cela serait irréaliste et contre-productif”). Gardner mentionne un certain nombre de cas judiciaires sur son site internet comme une preuve que le SAP est recevable, tant au plan national qu’international. Ces cas n’ont cependant que rarement traité de la question de la valeur scientifique du SAP. Voir note 50 infra.
[50] Voir par exemple Johnson c/ Johnson, No AD6182, Appeal No SA1 de 1997, Family Court of Australia (Full Court) (7 juillet1997), disponible sur http://www.austlii.edu.au/au/cases/cth/family_ct/ (dans ce cas, le tribunal a fait l’erreur de laisser le père convoquer à nouveau l’expert afin de le questionner sur le SAP, le jugement ne comporte aucun questionnement sur la rigueur scientifique du SAP et l’avocat de la mère a admis la pertinence du SAP tout en soutenant sans succès que ces questions avaient déjà été soulevées sous une autre appellation); Elsholz c/ Germany, 8 Eur Ct HR 2000, para 53, (dans ce cas, le tribunal a estimé que le refus de la part des tribunaux allemands d’ordonner une expertise psychologique independante pour déterminer les souhaits de l’enfant ainsi que l’absence d’audition par le tribunal régional constituaient un défaut d’implication de la part du requérant dans le procès judiciaire, ce qui contrevenait aux droits du requérant selon les articles 8 et 6 §1 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales (1950)). Le SAP n’apparaît que dans les arguments du père, ni dans le raisonnement ou les conclusions du tribunal. Voir ibid., paras 33–35, 43–53 et 62–66.
[51] [2000] 2 FLR 334.
[52] [2002] 1 FLR 1136.
[53] Voir Claire Sturge en consultation avec Danya Glaser, “Contact and Domestic Violence – The Experts’ Court Report” [2000] Fam Law, p. 615.
[54] Ibid., p. 622–623.
[55] Ibid. (voir la référence faite à “l’élégante réfutation” par Faller du SAP : Sturge et Glaser l’estiment cohérente avec la leur et considèrent qu’il peut exister de nombreuses explications possibles au “rejet implacable” d’un parent. Elles admettent que les solutions appropriées à ces situations dépendent de “la nature [et des circonstances individuelles] de chaque cas”).
[56] Les rôles d’expert et de thérapeute sont distincts mais il existe toujours, évidemment, le risque que l’expert serve ses propres intérêts en recommendant d’être lui-même sollicité pour la thérapie qu’il conseille. Il est regrettable que ce conflit d’intérêt n’ait pas suscité de remarques de la part du tribunal.
[57] La juge Dame Elizabeth Butler-Sloss P a déclaré au père, qui a comparu en personne sans avocat qu’il ne parvenait pas à comprendre dans quelle mesure son propre comportement avait pu susciter l’antipathie que lui vouait la plus jeune de ses filles, qui refusait de lui rendre visite (le père avait abandonné sa femme et leurs quatre filles à deux reprises pour partir avec sa secrétaire qu’il avait finalement épousée). La présidente s’est exprimée dans ces termes :
Je dirais à Mr C [le père] que son point de vue sur le syndrome d’aliénation parentale a pu l’empêcher d’envisager d’autres explications, plus évidentes, d’ailleurs fournies par [sa fille], à la situation.
[2002] 1 FLR 1136, para [13].
[58] La présidente du Tribunal a déclaré par exemple :
Je … préviens [le père] que s’il continue à initier des procédures pour obtenir la garde ou la garde alternée des enfants sans aucun fondement… il risque de se retrouver avec une procédure initiée par la mère, qui serait favorablement accueillie par le juge de la Haute Cour (High Court judge) qui la traiterait. … Pour le moment … les preuves [qui pourraient étayer la requête du père] n’existent pas dans le volumineux dossier qui nous a été présenté.
Ibid. Par la suite, lorsqu’elle a désigné le CAFCASS (Children and Family Court Advisory and Support Service) comme gardien de l’enfant (guardian) pour l’enfant et une soeur qui était également encore mineure, la présidente a déclaré que si le père présentait encore une requête, elle donnait au CAFCASS Legal
le pouvoir de demander une expertise soit auprès d’un psychiatre soit auprès d’un psychologue si cela était indiqué (cela se ferait à l’initiative du CAFCASS Legal, sans que le tribunal le réclame[)] … afin de voir s’il était possible de sortir de ces problèmes et de ne plus se concentrer sur la question du syndrome d’aliénation parentale Ibid. (je souligne).
[59] Intervenue très vite après le jugement dans Re L (Contact: Domestic Violence), la décision de la Présidente Dame Elizabeth Butler-Sloss dans le cas qu’elle a traité et ses mises en garde à l’encontre du père, est à interpréter comme une remise en cause de plus de la validité du SAP. Malheureusement, et peut-être dans une tentative improvisée d’atténuer l’échec du père, la présidente a ajouté aux remarques que nous citons en note 58 que la thèse du père, fondée sur le SAP, “prendra bien entendu sa place dans toute évaluation, mais pas au point d’oblitérer les autres explications possibles, et qui méritent d’être examinées, à la situation”. Tony Hobbs soutient que cette remarque reconnaît l’existence du SAP, alors que Catherine Williams croit au contraire que “la présidente se contente de prendre acte des opinions du père… et indique que tout expert en santé mentale désigné aura à prendre en compte tous les arguments qui lui sont présentés”. Comparer ces articles de Tony Hobbs, “Parental Alienation Syndrome and UK Family Courts, Part I” [2002] Fam Law 182, p. 182 [ci-après désigné par Hobbs, Part I] dans lequel l’auteur affirme qu“il a été démontré que le SAP peut être soigné par un traitement psychologique approprié” alors qu’aucune source ne le confirme et “Parental Alienation Syndrome and UK Family Courts – The Dilemma” [2002] Fam Law 381, p 385 [ci-après désigné par Hobbs, “The Dilemma”], avec celui de Catherine Williams, Newsline: “Parental Alienation Syndrome” [2002] Fam Law 410, loc. cit. p. 411. Une alternative à celle suggérée dans le passage auquel se réfère cette note serait, si la Cour d’appel se trouve à nouveau face à une allégation de SAP alors que sa recevabilité scientifique n’a pas été établie par le tribunal de première instance, de prendre elle-même une décision concernant le SAP. Voir, généralement, R v Gilfoyle [2001] Crim LR 312; Strudwick and Merry (1994) 99 Cr App Rep 326; et note 40 supra (qui mentionne divers tests).
[60] Généralement, les foyers qui ont la garde des enfants sont financièrement desavantagés aux Etats-Unis et les parents gardiens risquent plus de ne pas être représentés par un avocat dans les litiges liés à la garde. Myers, op. cit., note 16, p. 8 : cet auteur décrit dans des termes très précis les coûts supportés par le parent gardien et les avantages tactiques dont dispose le parent non-gardien avant le procès grâce à la communication obligatoire avant-procès d’éléments de preuve (pre-trial discovery) pour “perturber [le parent protecteur et son avocat] et les détourner des tâches importantes à accomplir pour se préparer à l’audience”.
[61] Un engouement comparable pour les dernières théories à la mode en matière de garde des enfants a été récemment observé aux Etats-Unis : théories favorisant la résidence alternée des enfants quand bien même l’un des parents n’en voudrait pas, interdiction de déménager pour les foyers ayant la garde des enfants, imposition de droits de visite fréquents même dans les cas hautement conflictuels (voire contenant des éléments indiquant l’existence de violences physiques) et possibilité de prise en compte par les tribunaux des recommendations de médiateurs. Dans chacun de ces domaines, des décisions judiciaires sources de très grandes difficultés ont été prises, jusqu’à ce que des chercheurs et avocats de renom pointent du doigt les problèmes. Pour une évaluation critique voir plus bas la discussion sur les special masters (NdT: voir note 70 infra).
[62] Voir Anita Vestal, “Mediation and Parental Alienation Syndrome: Considerations for an Intervention Model”, 37 Fam. and Conciliation Courts Rev. 487 (1999).
[63] Voir par exemple Deirdre Conway Rand, “The Spectrum of Parental Alienation Syndrome”, Am. J Forensic Psychol, vol. 15, 1997, n° 3, p. 23 (partie I) et n° 4, p. 39 (partie II), qui est rempli de descriptions inexactes des résultats des recherches et des points de vue de plusieurs universitaires, dont celles de Judith Wallerstein, Janet Johnston et Dorothy Huntington. Rand évoque fréquemment des travaux qui selon elle, et d’autres, traitent du SAP alors qu’ils traitent de problèmes distincts. Cette confusion est comparable à celle que pratiquait Gardner, et dont traite le présent article. Conversation téléphonique avec le Dr Judith Wallerstein, mentionnée avec accord de l’intéressée, le 10 avril 2001.
[64] Conseil en droit de la famille du Lord Chancellor (The Lord Chancellor’s Advisory Board on Family Law) : rapport du sous-comité pour la loi sur les enfants (Children Act Sub-Committee (CASC) Report), Making Contact Work: A Report to the Lord Chancellor on the Facilitation of Arrangements for Contact between Children and their Non-residential Parents and the Enforcement of Court Orders for Contact 17 (février 2002). Ce rapport établit par exemple que 148 des 167 personnes ayant répondu au questionnaire, largement diffusé, du CASC (Children Act Sub-Committe) ont convenu que “les principes dégagés par les Dr Sturge et Glaser… correspondent à un point de vue professionnel largement accepté”. Parmi ceux qui se sont prononcés dans ce sens, “une écrasante majorité … a [aussi] déclaré être d’accord avec l’analyse des deux docteurs”, ibid. Les 19 autres, qui n’étaient pas d’accord avec le point de vue des deux médecins ou qui les nuançaient, étaient majoritairement des hommes ou des organisations masculines, qui exprimaient deux préoccupations: 1) le SAP devrait être reconnu et 2) demander au parent visiteur de prouver que les contacts avec lui sont bons pour l’enfant revient à faire peser sur lui une charge de la preuve (burden of proof) inappropriée Ibid., avec une référence à Tony Coe, représentant du Conseil pour l’Egalité Parentale (Equal Parenting Council), concernant la question de la “charge de la preuve”. M. Coe est président du Conseil pour l’Egalité Parentale et est maintenant affilié à l’organisation Family Law Training & Education Limited, fondée le 19 avril 2002, dont le site Kensington-Institute.org est la vitrine offielle. Voir http://www.kensington-institute.org/ (dernière visite le 5 octobre 2002); http://www.companieshouse.gov.uk/info/ (taper “family law training” dans le champ “recherche”, dernière visite le 5 octobre 2002); http://www.lawzone.co.uk/cgi-bin/forum.cgi?forum=6&comment=90 (dernière visite le 5 octobre 2002).
[65] Très fréquemment, les publications anglaises sur le SAP, par exemple, ne mentionnent aucune référence à des sources scientifiques ou à des noms d’experts en la matière. Voir par exemple Caroline Willbourne et Lesley-Anne Cull, “The Emerging Problem of Parental Alienation” Fam Law, 807, 1997 (les auteurs se réfèrent simplement à “l’aliénation parentale, phénomène reconnu par des psychologues américains et de plus en plus pris en compte par des médecins au Royaume Uni”); Dr Susan Maidment, “Parental Alienation Syndrome – A Judicial Response?” Fam Law 264, p. 264–265, 1998 (l’auteur discute de cas anglais dans lequels existent des difficultés de droits de visite qui justifient selon l’auteur un transfert de la garde des enfants ou une intervention des services sociaux mais ne cite aucune recherche ni aucun document de santé mentale mis à part une référence non nominative à « la psychiatrie américaine qui commence à être admise par certains psychiatres britanniques »); L.F. Lowenstein, “Parental Alienation Syndrome” (1999) 163 Justice of the Peace 47 (passim); Hobbs, ‘Part I’, op. cit., note 59, p.182 (où l’auteur affirme qu’“il a été démontré que le SAP peut être soigné par un traitement psychologique approprié” sans citer de sources); voir aussi Hobbs, ‘The Dilemma’, op. cit., note 59, p. 385 (l’auteur affirme qu“aux Etats-Unis, les connaissances s’accumulent en matière de traitement du SAP”, là encore sans apporter la moindre preuve).
[66] Voir par exemple la note 63 supra, (qui traite des travaux de Rand) et les articles de Hobbs, qui est à la fois juge de paix et psychologue. Comparer par exemple l’article de Hobbs, ‘Part I’, op. cit., note 59 (qui se réfère au cas australien Johnson c/ Johnson et au cas traité en Floride Kilgore c/ Boyd, pour lesquels Hobbs estime qu’ “on ne peut envisager un traitement efficace [des cas graves de SAP] qu’à partir du moment où une action judiciaire concertée et solide peut être mise en place”) avec les notes 44 et 50 supra (qui se réfèrent aux mêmes cas). Hobbs cite également le cas en première instance de Berg-Perlow c/ Perlow en faisant la même remarque mais l’arrêt de la Cour d’appel (confirmant l’avis du tribunal de première instance) n’indique pas si l’enfant, qui était devenu violent à la maison et à l’école pendant le divorce, avait été influencé par un comportement aliénant, ni si le comportement de l’enfant s’était amélioré avec le traitement. Il faut plutôt rappeler que le père était mentalement perturbé et que ses droits de visite ont été restreints pour des raisons autres qu’une tentative éventuelle d’aliénation de l’enfant. Voir Perlow c/ Berg-Perlow 816 So 2d 210, 2002 Fla App LEXIS 6179 (8 mai 2002). Voir aussi la manière dont Hobbs se réfère au jugement Johnson et Elsholz c/ Germany, une décision de la Cour Européenne des Droits Humains suggérant que “la reconnaissance judiciaire du SAP… doit être initiée par la plus haute juridiction compétente dans le pays d’origine des requérants”. Ainsi que la note 50 supra le montre, aucun de ces cas ne confirme l’analyse de Hobbs : ces cas traitent des droits procéduraux, pas de la reconnaissance du SAP par les tribunaux. Le SAP a été employé comme preuve dans le cas Johnson sans la moindre objection et il n’a pas même été mentionné dans le raisonnement de la Cour pour Elshoz. L’imprécision caractérise également la manière dont Hobbs rapporte le jugement R c/ Gilfoyle [2001] Crim LR 312 : la citation qu’il fournit en matière de droit anglais de la preuve n’apparaît pas dans la décision. Par ailleurs, il affirme sans fondement que le point de vue de Sturge et Glaser sur le SAP ne reflète pas “celui communément partagé dans les points de vue et la pratique de la profession ” (ibid., p. 189) : cette affirmation a été contredite par le rapport de la CASC, paru après l’article de Hobbs. Voir note 64 supra. Des difficultés comparables peuvent être constatées dans Hobbs “The Dilemma”, op. cit., note 59, par exemple dans ses commentaires sur Re C (Prohibition on Further Applications) et Sahin c/ Germany [2002] 2 FLR 119, une décision de la Cour Européenne des Droits Humains, qui traitait de droits procéduraux et de traitement égal des pères mariés ou non, mais qui n’était pas centrée sur le SAP.
[67] En mai 2001 par exemple une conférence nationale sur “La résolution des conflits, les enfants et les tribunaux” (Conflict Resolution, Children and the Courts) comprenait d’abord un stage d’une demie journée intitulée “le B-A-B concernant les familles hautement conflictuelles et les enfants aliénés” (“The ABC’s of High Conflict Families and Alienated Children”) et une commission de réflexion sur “la restauration des liens entre les enfants aliénés et leurs parents” (“Restoring Relationships Between Alienated Children and their Parents.”) 38éme conférence annuelle de l’AFCC, 9-12 mai 2001. Le numéro de juillet 2001 de la Family Court Review comporte un dossier sur les “enfants aliénés” (EA). Les directeurs de publication indiquent eux-mêmes que le but de ce dossier est “d’analyser les difficultés psychologiques et légales du SAP … et de développer une compréhension plus complète et utile des situations dans lequelles des enfants, pendant ou après un divorce, rejettent violemment et de manière inattendue l’un de leurs parents”. Voir Janet R. Johnston et Joan B. Kelly, Guest Editorial Notes (notes des directeurs de publication invités), 39 Fam. Ct. Rev. 246, p. 246 (2001) [ci-après désigné par Johnston et Kelly, Ed Notes]. Dans l’article qu’elles ont écrit ensemble, Johnston et Kelly déclarent qu’une nouvelle formulation de l’alénation parentale serait souhaitable : elle ferait la distinction entre les enfants aliénés et “ceux qui résistent aux droits de visite après une séparation pour une série de raisons normales et liées à leur développement (y compris le rejet fondé de parents pour cause de violence, de négligence ou d’agressions)”. Ibid., résumé de Joan B. Kelly et Janet R. Johnston, “The Alienated Child: A Reformulation of Parental Alienation Syndrome”, 39 Fam. Ct. Rev. 249 (2001) [ci-après désigné par Kelly et Johnston, The Alienated Child].
[68] Ce résumé s’appuie notamment sur le travail de Kelly et Johnston, The Alienated Child, op. cit., note 67. Le désaccord de ces auteurs quant aux transferts de garde préconisés par Gardner est cependant exprimé dans cet autre article, de Janet R. Johnston et al, “Therapeutic Work with Alienated Children and Their Families”, 39 Fam. Ct. Rev. 316 s., et spéc. p. 316 (2001), dans lequel il est indiqué :
L’approche thérapeutique décrite dans cet article à l’égard des enfants aliénés et de leurs familles se distingue nettement de celles, très coercitives et punitives (par exemple celle de Gardner, [2° édition, op. cit., note 2]) qui préconisaient des sanctions judiciaires dans les cas peu ou modérément graves et des transferts de garde dans les cas graves). Cette approche s’appuie sur 20 années de compétences et de savoir acquis grâce à des méthodes humaines d’éducation, de médiation et de conseil….
Johnston et ses co-auteurs acceptent toutefois l’utilisation de ce qu’ils nomment “des contraintes judicieuses et coordonnées alliées à une gestion des cas et à des interventions thérapeutiques” et endossent les mesures coercitives recommandées dans l’article de Sullivan et Kelly, ibid., p. 316 et 330–332. Tout en promouvant leur approche, modérée, Johnston et ses co-auteurs s’appuient donc en partie sur Matthew J. Sullivan et Joan B. Kelly, “Legal and Psychological Management of Cases With an Alienated Child”, 39 Fam. Ct. Rev. 299 (2001).
[69] Voici la définition de ce qu’est un enfant aliéné d’après le dossier publié dans la Family Court Review :
enfant qui exprime de manière libre et persistente des sentiments et convictions exagérément négatifs (colère, haine, rejet et/ou peur) à l’égard d’un parent sans que cela puisse s’expliquer par l’expérience vécue de l’enfant avec ce parent. De ce point de vue, l’idée d’une programmation intentionnelle de l’enfant par un parent “aliénant” n’est plus considérée comme le début du processus. A présent on se concentre dès le début sur l’enfant, ses comportements observables et sa relation avec ses parents.
Andrew Schepard, Editorial Notes, 39 Fam. Ct. Rev. 243 s., et spéc. p. 243 (2001), avec références à l’article de Kelly et Johnston, “The Alienated Child”, op. cit., note 67, p.251. Voir, généralement,Williams, op. cit., note 26, p. 271–273 (qui évoque d’autres définitions contradictoires de l’“aliénation parentale (AP) ”).
[70] Sullivan et Kelly, op. cit., note 68, p. 314, Appendix (annexe). Voir aussi, ibid., p. 300 et 308 : à propos du rôle des special masters à l’égard des enfants; p. 309-310 : exemple d’ordonnance de jugement obligeant les parties à renoncer à toute confidentialité et à accepter le partage des frais et un exemple d’ordonnance de jugement renvoyant les dossiers de garde conflictuels devant un special master et interdisant aux parents d’obtenir des « courriers de leurs avocats ou d’intenter une requête » avant d’avoir rencontré ce special master ; p. 311: voir l’idée de déléguer l’autorité à une sorte de chef d’équipe dont le rôle serait de “codifier” les décisions pour en faire des ordonnances de justice; p. 315: Sullivan et Kelly écrivent : “si le tribunal l’y autorise, le special master peut préconiser … des interventions qui auront une valeur exécutoire.”.Comparer ibid., p. 303, où les auteurs se réfèrent à un accord des parties sur “un special master qui ne jouerait un rôle que limité, le temps qu’une expertise soit menée”.
[71] Voir ibid., p. 310 (exemple d’ordonnance de jugement intimant aux parties de renoncer par écrit à la confidentialité). Les auteurs reconnaissent au passage, sans explication, que leur recommendation pourrait faire l’objet d’une surveillance du point de vue légal ou éthique. Ibid.
[72] Des références aux dépenses engagées dans la procédure apparaissent, par exemple, dans les travaux de Johnston et al, op. cit., note 68, p. 330–331 et dans ceux de Sullivan et Kelly, op. cit., note 68, p. 300–311 (notamment concernant des cas dans lesquels les besoins des familles dépassent de loin leurs ressources) et 314 (les auteurs établissent une liste comprenant un special master, un thérapeute de l’enfant, un pour chaque parent, un conseiller co-parental, des avocats pour les parents et un avocat de l’enfant ou un gardien légal (guardian ad litem)comme des membres potentiels d’une “équipe de collaboration”. Tout au long de leur article, Sullivan et Kelly recommendent des ordonnances de justice qui partagent de manière égale entre les parties les frais non couverts par les assurances. Voir également la note 76 infra.
[73] Il est possible que Sullivan et Kelly aient confondu les accords passés volontairement avec des ordonnances de justice suivant un litige. Le vocabulaire qu’ils emploient, particulièrement dans leurs exemples de jugements, montre qu’ils pensent, à tort, que les tribunaux peuvent ordonner à une personne des choses que la loi laisse à son seul jugement. Voir Ruisi c/ Thieriot, 62 Cal Rptr 2d 766, loc. cit, p. 771– 775 (Ct App 1997) : ce jugement a inversé l’ordonnance passée par le tribunal, qui, suivant les recommendations du Dr Margaret Lee, avait nommé un special master malgré l’opposition d’un parent; ce jugement est aussi revenu sur l’ordonnance initiale qui dispensait le special master de l’obligation légale de consigner la procédure par écrit. Ibid., p. 772. La Cour d’appel s’est exprimée dans ces termes :
[L]e pouvoir du tribunal de [désigner une autre instance pour résoudre les questions de droit familial] est limité par le principe fondamental dans le Droit constitutionnel [de l’Etat de Californie] selon lequel le pouvoir judiciaire ne se délègue pas.
Le tribunal n’a pas autorité, sans autorisation statutaire explicite, pour attribuer des affaires à un conciliateur ou à un special master censés prendre des décisions. Le renvoi sans fondement d’un cas devant une autre instance constitue une faute de compétence à laquelle on ne peut se soustraire.
Lorsque, comme c’était le cas en l’espèce, les parties ne sont pas d’accord pour un tel renvoi, l’autorité du tribunal pour procéder à un renvoi spécial est limitée à certaines questions. Le tribunal ne peut pas ordonner un renvoi pour des questions autres que celles explicitement prévues statutairement…
Ibid., p. 772–773 (citations non incluses). La Cour a également remarqué que le cas ne comportait pas la nomination d’un magistrat non-professionnel (court commissioner). Ibid., p 772, note 9. Le dossier ne comportait pas non plus de pouvoir, conféré au tribunal par accord entre les parties, de désigner une autre autorité pour juger “en partie ou en totalité les questions de la procédure, qu’ils s’agisse de faits ou de droit” Ibid., p 773, note 13.
(Un arrêt contraire au jugement de première instance a également été rendu dans le dossier Ruisi c/ Thieriot concernant le fait que le tribunal avait suivi la recommendation du Dr Lee, selon laquelle le développement d’un garçon de 8 ans serait contrarié s’il devait déménager avec sa mère, même dans une région (county) voisine. L’enfant vivait avec sa mère et voyait son père le week-end. Après le renvoi de cette affaire, et à la lumière du jugement In re Marriage of Burgess, 913 P2d 473 (Cal 1996), qui redéfinissait les critères en matière de déménagement, la mère et l’enfant ont obtenu l’autorisation de déménager sur la côte Est. Voir, généralement, Carol S. Bruch et Janet M. Bowermaster, “The Relocation of Children and Custodial Parents: Public Policy, Past and Present”, 30 Family Law Quarterly 245 (1996).)
[74] Le droit de la preuve en Californie, par exemple, exige que les juges respectent certaines règles (privileges) telles que la confidentialité des échanges entre patient et thérapeute au cours des requêtes initiées par toute partie ou initiée d’office, à moins qu’une exception spécifique s’applique. Cal. Evid. Code § 916. Lorsque Sullivan et Kelly suggèrent que les tribunaux ordonnent aux parties de renoncer à la confidentialité, cela suppose, au moins dans le contexte californien, que les juges violent leurs obligations professionnelles.
[75] Voir par exemple S. Margaret Lee et de Nancy W. Olesen, “Assessing for Alienation in Child Custody and Access Evaluations”, 39 Fam. Ct. Rev. 282s., et spéc. p. 295–296 (2001) (Le Dr Lee était l’expert qui a recommandé la désignation d’un special master dans le cas Ruisi). Voir également la note 73 supra.
[76] Voir, par exemple, des références à la capacité des parties de payer les dépenses engagées dans la procédure qui apparaissent dans les travaux de Johnston et al, op. cit., note 68, p. 330–331; Sullivan et Kelly, op. cit., note 68, p. 300–311 (notamment concernant des dossiers dans lesquels les besoins des familles dépassent de loin leurs ressources) et 314 ( une liste comprenant le special master, un thérapeute de l’enfant, un pour chacun des parents, un conseiller co-parental et un avocat de l’enfant ou un gardien légal (guardian ad litem) comme des membres potentiels d’une “équipe de collaboration”). Tout au long de leur article, Sullivan et Kelly recommendent des ordonnances de justice qui partagent de manière égale entre les parties les frais non couverts par les assurances; une telle recommandation comporte le risque de causer de graves difficultés à celui des parents qui gagne le moins et il est déconcertant que les auteurs ne tiennent pas compte de cet élément. Voir également note 72 supra et le passage de l’article auquel elle se réfère.
[77] Sullivan et Kelly, op cit, note 68, p. 309: “[L]es sanctions [infligées à un parent refusant de coopérer] qui impliquent l’enfant ou sa garde (et parfois vont jusqu’à des extrêmités telles que des hospitalisations ou des incarcérations) ne sont que rarement prises dans l’intérêt supérieur de l’enfant ».
[78] Voir les notes 81 à 89 infra et le passage de l’article auquel elle se réfère.
[79] Sullivan et Kelly, op. cit., note 68, p. 313–334.
[80] Johnston et al, op. cit., note 68, p. 329.
[81] Le dossier publié en juillet 2001 par Family Court Review, et un récent dossier amicus curiae (NdT: voir note 37 supra) montrent que de nombreux professionnels de santé mentale entendent ne pas se contenter de conseiller les parties. Ils cherchent à jouer un rôle quasi-judiciaire qui leur permette de dicter à de nombreux parents et enfants les détails de leurs vies. Le plus préoccupant est qu’ils entendent faire cela en dehors du cadre procédural de la justice, qui repose par exemple sur des garanties constitutionnelles (due process) telles que des écrits, des preuves et le recours aux tribunaux. Voir le rapport d’un amici curiae (Amici Curiae Brief), op. cit., note 37 supra.
[82] Wallerstein et Kelly, op. cit., note 10 supra.
[83] Ibid., p. 74–75:
Le sentiment précis qui distinguait le plus nettement ce groupe d’enfants plus jeunes était la colère intense, pleinement consciente que ces enfants ressentaient…. Environ la moitié des enfants… étaient en colère contre leur mère, l’autre moitié contre leur père et un bon nombre en voulait aux deux. Les enfants étaient principalement en colère contre le parent qu’ils tenaient pour responsable du divorce.
[84] Gardner a suggéré que le SAP serait présent, bien qu’à des degrés de gravité variable, dans quelque 40 à 90% des cas de conflits de garde. Voir note 4 supra et le passage de l’article auquel elle se réfère. Les 20% de résultat général évoqués par Wallerstein et Kelly relèvent plus d’alliances que du SAP et concerne majoritairement la tranche d’âge 9-12 ans observés dans un échantillon d’enfants de couples en instance de divorce qui n’étaient pas tous en litige quant à la garde des enfants. Wallerstein et Kelly remarquent que la colère et les alliances caractéristiques de cette période la distinguent des autres tranches d’âge.
[85] Conversation téléphonique avec le Dr Judith Wallerstein, 10 avril 2001.
[86] Wallerstein, Lewis et Blakeslee, op. cit., note 10 supra, p. 115–116.
[87] Ibid., p 116–117.
[88] Johnston, “Children Who Refuse Visitation”, op. cit., note 10 supra, p. 132.
[89] Ibid.
[90] Kelly et Johnston, The Alienated Child, op. cit., note 67 supra, p. 254.
[91] Janet R. Johnston, “High-Conflict and Violent Parents in Family Court: Findings on Children’s Adjustment, and Proposed Guidelines for the Resolution of Custody and Visitation Disputes”, Access/Visitation: General Principles No 2 et note 2, disponible sur http://www.courtinfo.ca.gov/programs/cfcc/pdffiles/hcvpfcs.pdf .
[92] Voir, généralement, Carol S. Bruch, “And How Are the Children? The Effects of Ideology and Mediation on Child Custody Law and Children’s Well-Being in the United States”, 2 Int’l J Law and Fam 106 (1988); Carol S. Bruch, “Taking Ourselves Seriously Enough to be Cautious: A Response to Hugh McIsaac”, 5 Int’l J Law and Fam 82 (1991); Bruch et Bowermaster, op. cit., note 73 supra, p. 262–269.
[93] On peut citer en exemple la suggestion de Sullivan et Kelly selon laquelle, dans les situations très conflictuelles, l’enfant devrait passer par une sorte de no-man’s land à chaque fois qu’il part en visiteou qu’il en revient. Sullivan et Kelly, qui font preuve de perspicacité quand il s’agit d’analyser les dynamiques en jeu dans les cas d’aliénation sont bien moins convaincants lorsqu’il s’agit de proposer des solutions judiciaires à ces problèmes. Voir notes 70 à 81 supra.
[94] Kelly et Johnston indiquent, par exemple, que les enfants qui présentent des signes d’aliénation ont probablement déjà été exposés à des pressions insupportables. Kelly and Johnston, “The Alienated Child”, op. cit., note 67, p. 255.
[95] L’auteur du présent article a entendu parler la première fois du SAP par un psychologue qui avait été appelé pour aider une enfant de 8 ans, devenue suicidaire après avoir été placée dans une institution. L’enfant avait été totalement coupée de sa mère par une ordonnance de justice appliquant les recommandations d’un conseiller qui se conformait strictement aux principes de Gardner. Selon Karen Winner, journaliste d’investigation (chargée par une organisation de parents d’une enquête sur les pratiques en droit de la famille des tribunaux de Sacramento, Californie) ce conseiller et son associé continuent d’appliquer les recommendations de Gardner à la lettre, même s’ils ne parlent à présent plus de SAP mais de “problème d’aliénation parentale”, et même lorsqu’existent de réels soupçons de maltraitance. Voir Winner, op. cit., note 22 supra. La psychologue Vivienne Roseby du Centre Judith Wallerstein pour la Famille en Transition de Corte Madeira, Californie (the Judith Wallerstein Center for the Family in Transition in Corte Madera, California) explique qu’elle et ses collègues ont remarqué des problèmes du même ordre dans des transferts de garde ordonnés sur la base du SAP : notamment le cas d’un garçon de 12 ans qui s’est pendu le jour où sa résidence devait être tranférée. Conversation téléphonique avec le Dr Vivienne Roseby, le 6 mai 2001, Davis, Californie.
[96]American Psychiatric Association, op. cit., note 11 supra.
[97] World Health Organization, op. cit., note 11 supra.
[98] Un exemple pertinent est la série de travaux de Wallerstein et de ses collègues publiée au cours d’une étude qui a été menée sur une période de 25 ans. Initialement destiné à n’être que la base d’une recherche exploratoire permettant de définir des questionnements pour des travaux ultérieurs, l’échantillon de familles étudié (qui n’a pas été sélectionné au hasard ni contrôlé scientifiquement) a permis de faire progresser les connaissances de manière significative. Bon nombre des intuitions cliniques de Wallerstein et Kelly (par exemple l’idée que les enfants réagissent au divorce de leurs parents de manière variée selon leur stade de développement) ont permis de mettre en lumière des connexions qui avaient jusque-là été généralement négligées mais qui semblaient couler de source une fois mises en évidence. Des études ultérieures, effectuées sous contrôle, ont confirmé leurs idées, tandis que d’autres de leurs points de vue ont dû être affinés et parfois corrigés (comme par exemple leur suggestion concernant la résidence alternée). Comparer, par exemple, Carol S Bruch, “Parenting At and After Divorce: A Search for New Models”, 79 Mich L Rev 708, loc. cit. p. 708–710 (1981), (traitant de méthodologie) et 722–725 (posant des questions sur la résidence alternée) avec Wallerstein, Lewis et Blakeslee, op. cit., note 10 supra, p. 212–219 (revoyant significativement à la baisse de l’enthousiasme initial concernant la résidence alternée).
[99] Lorsqu’il a décidé de refuser d’entendre le témoignage de Gardner sur le SAP dans le cas Fortin, le tribunal a indiqué s’appuyer en partie sur une décision de justice similaire émanant du juge Kaye de la Cour d’appel de New York dans un cas examinant la recevabilité de l’ADN en tant que preuve: voir People c/ Fortin, 706 NYS2d 611, loc. cit. p. 614 (NY Crim Ct 2000). La citation de l’arrêt du juge Kaye est la suivante :
Il n’appartient pas à un tribunal de prendre des risques en s’aventurant sur les chemins prometteurs d’une technique scientifique récente. L’acceptation prématurée d’une découverte scientifique peut être source de préjudice pour les justiciables et peut court-circuiter les débats nécessaires pour déterminer la précision d’une technique.
People c/Wesley, 633 NE2d 451, loc. cit. p 462 note 4 (NY 1994). Voir aussi Chambers c/ Chambers, No CA99–688, 2000 Ark App LEXIS 476 (Ark Ct App 21 juin 2000) : lors d’une révision de novo , la Cour d’appel a confirmé le refus du tribunal de forcer les droits de visite et de se tenir prêt à transférer la garde de l’enfant : le témoin expert du père a estimé qu’il aurait fallu que le tribunal force l’application d’une décision de transfert car l’enfant s’y serait sûrement opposé. L’expert, psychiatre pour enfants et adolescents, a déclaré que le processus qu’il recommendait “serait presque certainement traumatisant et douloureux [pour l’enfant]”. La Cour d’Appel a conclu que “même [l’expert du père] a déclaré sous serment que le souhait [du père] présentait le risque substantiel de faire du mal à l’enfant” et a décidé que “[l]e président du tribunal avait eu raison de refuser de courir un tel risque”.
[100] Jerome Frank, Courts on Trial: Myth and Reality in American Justice 79 (Princeton University Press, 1949).
Liens utiles :
– « Syndrome d’Aliénation Parentale » (SAP) : une arme de guerre masculiniste contre les femmes et les enfants https://revolutionfeministe.wordpress.com/2016/04/24/syndrome-dalienation-parentale-sap-une-arme-de-guerre-masculiniste-contre-les-femmes-et-les-enfants/
– « Breaking The Silence; Children’s Stories » (documentaire en anglais) https://www.youtube.com/watch?v=3rShllw2gMk
– « Small Justice : Little Justice in America’s Courts » (documentaire en anglais) https://www.youtube.com/watch?v=CNXqDgSAOt4