Témoignage – Pourquoi les femmes ne partent pas ?
Par Bryony Yost
Traduction : Francine Sporenda
Les femmes doivent être prévenues des risques : si vous quittez votre mari violent, des choses terribles vont arriver à votre enfant.
Quand j’ai essayé de partir, les choses suivantes sont arrivées :
- Il m’a poussée dans un placard et m’y a enfermée à clé
- Il m’a poussée et fait tomber par terre alors que je me dirigeais vers mon véhicule
Quand j’ai essayé d’appeler la police, il m’a écrasé les mains sur le téléphone
- Il a arraché les fils du téléphone et désactivé mon portable
- Il m’a harcelée et espionnée sur Facebook
- Il m’a harcelée à mon nouveau domicile
- Il m’a empêchée d’emmener mes enfants
En fait, après mon départ, la situation est devenue pire qu’avant.
Le tribunal a ignoré mes appels à l’aide. J’ai perdu tout ce que je possédais, mon ex a tout vendu dans un vide-grenier, pour payer son avocat, qu’il a utilisé pour m’attaquer. Mon PTSD (syndrome de stress post-traumatique NDLT) s’est aggravé.
Lors de ses périodes de garde, mes enfants ont subi des violences, ils étaient terrifiés, ils ont été diagnostiqués comme souffrant d’un PTSD sévère, ils ont dû quitter leur école. Ma famille a essayé de m’aider, ça a été très difficile pour eux, ils ne s’en sont pas encore remis.
J’ai perdu mon job, puisque mon mari et moi dirigions une entreprise ensemble. J’ai retrouvé du travail, un job que j’adorais mais je l’ai de nouveau perdu, à cause du harcèlement de mon ex sur internet.
J’ai perdu ma voiture. Je suis devenue SDF.
J’ai perdu mon crédit bancaire.
J’ai perdu ma foi en presque tout.
Quand je suis partie, ma fille a été victime de violences si horribles de la part de son père que quand je la ramenais chez moi, elle se blottissait en boule dans un coin et si j’essayais de la regarder dans les yeux, elle se mettait à hurler et à taper sur le mur.

Quand je suis partie, j’ai dû, pour respecter le droit de garde de son père, la laisser seule avec un monstre. J’étais obligée d’arracher ses petits doigts cramponnés au siège de la voiture quand j’arrivais devant chez lui, de la déposer puis de lui tourner le dos, alors qu’elle était paniquée et m’appelait au secours. J’ai dû la laisser là et m’éloigner avec ma voiture, sinon je serais allée en prison. Si vous croyez que la violence conjugale fait mal quand vous en êtes la cible, attendez que votre enfant vous appelle à l’aide et que vous deviez lui répondre qu’il faut qu’elle aille chez son père—c’est bien pire.
Quand une femme quitte un homme violent, elle fait entrer son enfant dans un cauchemar sans fin qui la traumatisera à vie.
Quand une femme quitte un homme violent, elle n’a aucun contrôle sur les biens du ménage, sa voiture ne lui appartient pas, il a tout mis à son nom, et de ce fait, elle perd même sa capacité à assurer sa survie et celle de ses enfants. Mon cœur est mort d’avoir été le témoin impuissant de la destruction de mon enfant.

Quand je suis partie, ma chienne a été laissée dehors à l’abandon pendant 2 semaines, et quand je suis revenue la récupérer, elle tremblait sans arrêt et avait une blessure à l’œil. Il avait annulé mes cartes de crédit et désactivé mon portable, il m’a chassée de la maison et a changé tous les verrous. Je n’avais pas d’argent pour faire soigner ma chienne chez un vétérinaire, j’ai dû faire appel à une œuvre charitable pour payer un rendez-vous avec le vétérinaire, acheter un sac de croquettes, et trouver des gens pour la garder parce que pendant un moment, j’ai dû vivre dans ma voiture parce que le refuge pour femmes battues était plein. Ma chienne est restée peureuse et anxieuse pendant tout le reste de sa vie.
Il y a beaucoup d’autres raisons #whywomendontleave, je peux les résumer en une phrase : dans les cultures patriarcales, la misogynie fait loi, et la première règle de la misogynie, c’est que « tout est toujours la faute des femmes ».
Autrement dit, les femmes pensent qu’elles sont responsables de tout, parce que c’est la culture qui le leur dit. Et les hommes violents savent très bien utiliser et perpétuer ce mensonge—et c’est pour ça que nous avons besoin du féminisme.
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APPEL A TÉMOIGNAGES :
Nous souhaitons publier sur Révolution féministe d’autres témoignages sur les séparations dites « hautement conflictuelles » : quand des femmes quittent un mari abusif et violent, et comment leur départ, loin de mettre fin aux violences, peut en fait les aggraver. En particulier, nous souhaitons mettre en lumière comment l’ex-partenaire masculin utilise les enfants, le système judiciaire, le « SAP » (Syndrome d’Aliénation Parentale) et la vulnérabilité financière des femmes pour continuer à les agresser et les harceler des années après la séparation.
Si vous avez vécu ce genre d’expériences, envoyez-nous vos témoignages (une ou deux pages, anonymes ou pas) à : rfeministe@gmail.com
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