INTERVIEW DE SANDRINE BOUCHAIT
Par Francine Sporenda
Sandrine Bouchait dont la sœur, Ghylaine, a été brûlée vive par son compagnon parce qu’elle voulait le quitter, vient de publier un livre aux éditions l’Archipel « Elle le quitte, il la tue ». Elle a fondé l’Union nationale des familles de féminicides https://www.unff.fr/
FS : Le compagnon de votre sœur Ghylaine, qu’il a brulée vive, ne l’avait jamais battue avant le crime mais exerçait sur elle, quand ils vivaient ensemble, ce que l’on nomme un contrôle coercitif, des violences psychologiques et une emprise. Pouvez-vous préciser comment tout ça se manifestait concrètement ?
SB : Il contrôlait la quantité de nourriture qu’elle avait le droit de manger, il contrôlait aussi comment elle s’habillait, elle devait faire le ménage d’une certaine façon et pas d’une autre, il imposait beaucoup de choses au quotidien.
FS : Est-ce qu’il cherchait à l’empêcher de voir des amis, à l’isoler de sa famille ?
SB : L’isoler de sa famille non, parce qu’il ne pouvait pas. On habite assez près les uns des autres, mes frères et sœurs et ma maman, on a des caractères forts dans la famille, et il n’aurait pas pu la couper de nous. Par contre, il l’empêchait de sortir avec des amis.
FS : Vous pensiez bien le connaître, et vous n’auriez jamais pu penser qu’il tue votre sœur. Il existe cependant des signaux d’alarme dans le comportement d’un conjoint qui alertent sur la possibilité d’un féminicide. Pouvez-vous en parler ?

FB : Avant le meurtre, je n’étais pas du tout aguerrie à ça parce que je n’ai jamais connu la violence, ni dans ma famille ni de la part de mon père, de mes frères ou de mes ex-compagnons mais après le meurtre de Ghylaine je me suis informée auprès de différentes associations, et j’ai réalisé qu’il y avait beaucoup de signaux qu’elle avait essayé de m’envoyer et que je n’ai pas su interpréter, comme par exemple le fait qu’il contrôlait tout ce qu’elle faisait. Quand elle m’a dit qu’elle devait faire le ménage de telle façon et pas d’une autre, j’ai pensé qu’elle exagérait. Il faut replacer tout ça dans le contexte : ma sœur est la dernière d’une fratrie de quatre et elle a été élevée comme une petite princesse par mes parents, on pensait donc qu’elle exagérait. Je pensais que je le connaissais bien, je lui faisais une totale confiance, je l’avais même choisi comme parrain de mon fils aîné, jamais je n’aurais pensé qu’il irait à cet extrême-là.
FS : Ce que j’ai souvent lu à propos de femmes victimes de violences conjugales, c’est que leur mari est très attentionné à l’extérieur mais quand il est en privé avec elles, il passe son temps à les critiquer, à les rabaisser, à leur flanquer des complexes, à leur dire « tu es moche, tu es grosse, tu es nulle ». Est-ce qu’il se comportait comme ça ?
SB : C’est compliqué parce que, quand on n’est pas dans la vie intime du couple, on ne peut pas savoir. Effectivement, à l’extérieur, il ne se montrait pas sous son vrai jour. Mais c’est vrai que ma sœur m’avait dit qu’il était très rarement dans le compliment, plutôt dans le rabaissement : elle avait perdu énormément de poids et au lieu de lui dire qu’il était content, qu’elle était mieux comme ça, lui c’était plutôt : « fais attention maintenant, je ne veux pas que tu reprennes le poids que tu as perdu », il n’était jamais bienveillant en fait.
FS : Et ça ne se voyait pas du tout à l’extérieur qu’il avait un comportement abusif, tyrannique avec votre sœur ? Est-ce qu’il jouait le mari parfait à l’extérieur ?
SB : Parfait, je n’irai pas jusque-là, parce que c’était quelqu’un d’assez réservé qui a eu des difficultés à rentrer dans notre bulle, parce que notre fratrie est très soudée : quand nous sommes ensemble, nous aimons évoquer des souvenirs d’enfance, nous aimons rigoler ensemble. Donc de son côté, un peu de distance et de réserve, parce qu’il ne trouvait pas sa place.

FS : Est-ce qu’il y a un profil type des victimes et des agresseurs ? Pourquoi les victimes retirent-elles souvent leur plainte ? Pourquoi ne partent-elles pas tout de suite et leur faut ils plusieurs allers et retours avant de partir pour de bon ?
SB : Il n’y a pas vraiment de profit-type, ni des victimes ni des agresseurs. Après on a pu remarquer que les auteurs de violences et de féminicides ont un problème au niveau de la possession, ce sont des adultes qui, enfants, n’ont pas forcément connu l’amour de leur maman ou de leurs proches, on ne leur a pas dit qu’on les aimait, et quand ils se sont fait leur petite sphère familiale, c’est tout pour eux, et le jour où leur femme les quitte, ils perdent tout, ils s’effondrent. Ce qu’on remarque aussi, c’est que souvent, ces adultes ont subi enfant des violences conjugales, ou en ont été témoins.
On a pu voir aussi des hommes qui n’avaient pas expérimentés la frustration. Ils ont parfois été éduqués en enfant rois, et ne savent donc pas gérer cette émotion qui leur est nouvelle.
Il existe un trait commun à tous les hommes violents qui est une faille narcissique importante, au moment de la séparation il y a chez ces hommes un effondrement psychique, une forme de décompensation qui entraîne le passage à l’acte.
FS : Il y a un problème avec cette explication des violences subies enfant, c’est que les femmes subissent, quand elles sont enfants, bien plus de violences que les hommes (inceste, pédocriminalité etc), et pour autant, elles ne deviennent pas meurtrières, elles tuent rarement leur conjoint, et quand elles le font, c’est le plus souvent quand elles sont victimes de ses violences. L’excuse des violences subies par les hommes violents dans l’enfance, c’est une explication individuelle pour un problème systémique…
SB : Je vous parle de ce que je vois sur le terrain, j’interviens au niveau des victimes et je vais à la rencontre des auteurs, et 90% des auteurs ont été victimes de violences étant enfant. Après les juges le disent très bien, de ces enfants qui ont été victimes ou témoins conjugales dans leur enfance, 1/3 deviendra bourreau, 1/3 deviendra résilient. Peut-être que les filles sont plus résilientes que les garçons, peut-être sont-elles plus suivies par les psychologues, je ne sais pas non plus. C’est ce que je vois sur le terrain.
Les femmes sont plus enclines à la remise en question, à pousser la porte d’un psy, néanmoins il existe aussi des femmes violentes, maltraitantes et même parfois infanticides.
FS : 9 auteurs de violences conjugale sur 10 sont des hommes. Il y a une chose à considérer, c’est la position différente des hommes et des femmes dans la société, les hommes, de par leur position dominante, sont encouragés à utiliser la violence, le recours à la violence est un apanage masculin, on les entraîne à des sports violents, ils sont exposés à des films violents, leurs rôle-models sont des héros guerriers, des hommes violents. Dès le plus jeune âge, on leur dit « la violence, pour un homme, c’est bien, c’est normal ». C’est une partie définissante de la virilité. Les femmes sont découragées d’utiliser la violence, elles doivent être pacificatrices, elles doivent arrondir les angles. Ce qui est à la racine de la violence masculine, c’est une certaine conception de la virilité : les hommes ont des droits, notamment celui d’utiliser la violence, que les femmes n’ont pas…

SB : Je suis d’accord avec vous, on est dans une société patriarcale, et moi qui suis mère d’un petit garçon qui va avoir 4 ans, je vois encore des mamans qui, à la sortie de l’école, disent à leur fils : « tu es un garçon, tu ne dois pas pleurer, un garçon, c’est fort, ça ne pleure pas ». Et dire à leur fille « ma jolie petite princesse ». Si l’on veut demain un monde moins violent, il va falloir arrêter de dire que les garçons sont tout puissants, sont des héros, et arrêter de dire aux filles qu’elles sont des petites princesses délicates et fragiles.
Les hommes ont un rapport à la masculinité, à la virilité qui leur enjoint de réprimer leurs émotions.
FS : Une petite anecdote personnelle pour illustrer le fait que les garçons internalisent très tôt le fait qu’ils ont des droits et peuvent s’adonner à des activités « interdites » aux filles : une femme de ma famille a eu des jumeaux, un garçon et une fille. On les a emmenés visiter un musée et dans la boutique du musée, il y avait des panoplies de chevalier. La fille a voulu une panoplie de chevalier, et son frère, âgé de 6 ans, lui a dit : « tu ne peux pas avoir ça, ce n’est pas pour les filles »…
SB : Tout va dépendre de l’éducation qu’on va leur donner et des stéréotypes qu’on va leur transmettre à l’école. J’ai un fils de 24 ans et un de 13, et mon fils de 24 ans, quand il était petit, voulait une poussette avec un bébé. Mon père, né en 1944–c’est vraiment l’ancienne génération–me dit « ah non, les poussettes, c’est pour les filles, tu ne vas pas lui acheter ça ». Et moi je la lui ai achetée quand même, il y a des papas qui promènent leurs bébés en poussette.
Il faut arrêter de genrer les jouets, et ça commence extrêmement tôt : quand on regarde les cours de maternelle, les espaces sont occupés au ¾ par les garçons, il faut sensibiliser à ces stéréotypes dès la maternelle, dès la crèche, ça doit commencer à ce niveau-là, quand les enfants sont tout petits, ça commence à cet âge-là l’égalité. Je suis maman de deux garçons, maintenant, j’ai ma nièce à la maison mais il n’y a aucune différence : tous les trois, ils débarrassent la table, tous les trois ils étendent le linge, tous les trois ils vident le lave-vaisselle, ce n’est pas « il y a une fille à la maison, c’est la fille qui s’y met, et les garçons se mettent les pieds en éventail ». Tout ça, ça dépend de l’éducation qu’on leur donne, des images que la société leur envoie, et c’est vrai qu’aujourd’hui, elle envoie une mauvaise image à nos enfants.
FS : Vous mentionnez que les avocats de la défense ont sali la réputation de votre sœur en prétendant qu’elle collectionnait les amants, n’était pas une bonne mère etc. Vous signalez aussi l’apitoiement suscité par les avocats au sujet de leur client. Vous parait-il normal que de tels détails puissent être utilisés par des avocats comme circonstances atténuantes, alors que vrais ou faux, ils ne justifient en rien un féminicide ?
SB : La loi fonctionne comme ça, les accusés ont le droit d’être défendus, c’est la défense qu’ont utilisée les avocats du meurtrier. A quoi mon avocat a répondu : « quand bien même elle en aurait eu un par jour, est-ce qu’elle méritait de mourir ? » La question est posée. Cette défense est pathétique, je pense que les jurés sont de moins en moins dupes de ce genre de procédés, je ne me suis même pas posé la question en fait.

FS : La mère du meurtrier que vous avez rencontrée à l’hôpital où Cloé, la fille de votre sœur, brulée aussi, était soignée (elle a survécu) vous a dit : « elle (votre sœur) a dû le (son compagnon) pousser sacrément loin pour qu’il en arrive là ». J’avais noté (lors des audiences du procès des viols collectifs de la Dalle d’Argenteuil, aussi au tribunal de Nanterre) que les mères et les familles des violeurs insultaient et menaçaient les jeunes filles violées quand elles arrivaient au tribunal. Que pensez-vous de ces mères qui soutiennent inconditionnellement leurs fils qui tuent ou violent, et transfèrent la responsabilité de ces crimes sur les victimes ?
SB : Ca m’a énormément choquée quand elle m’a dit ça. Je lui ai demandé sur quelle planète elle vivait, parce que, sur celle où je vis, on ne tue pas les gens, même quand ce que dit une personne ne vous plait pas. Après, je crois que c’est aussi une défense du point de vue psychologique, je pense qu’elles ne peuvent pas admettre que leur fils a fait ça, sinon elles s’effondrent psychologiquement. Être comme ça dans le déni, c’est un moyen de protection. Ca leur évite de se remettre en question sur l’éducation qu’elles ont donnée à leur fils, sur ce qu’elles n’ont pas vu, sur ce qu’elles auraient pu faire et n’ont pas fait, et pour éviter tout ça, elles sont dans le déni et prennent sa défense en disant : « c’est un accident, il n’a pas voulu faire ça, elle a dû le pousser à bout ». C’est un moyen pour elles de survivre à l’acte de leur fils.
FS : Vous rappelez que l’autorité parentale est parfois laissée au meurtrier : c’est postuler qu’« on peut être un meurtrier et être un bon père ». Vos commentaires ?
SB : Pour moi, dès l’instant où on violente sa femme, même sans aller jusqu’au meurtre, dès l’instant où on violente la mère de ses enfants, on n’est pas un bon père, c’est incompatible. Dès lors que les enfants sont exposés aux violences subies par la maman, on sait les dégâts que ça fait sur eux. Je ne comprends pas qu’en 2022 on en soit encore là, qu’on puisse encore laisser des enfants à un père meurtrier et que la justice puisse encore baser ses jugements sur ce point de vue.
FS : Vous citez ce cas, fréquent, d’une femme vivant à Mérignac, aussi brûlée vive par son compagnon qui, auparavant, avait déposé plusieurs plaintes contre lui ; il avait été condamné plusieurs fois pour violences conjugales et depuis avait interdiction d’approcher son ex-compagne. Il l’avait harcelée au téléphone, sans réaction de la justice. Vous citez aussi le cas d’un homme condamné 11 fois pour violences conjugales avant d’avoir un bracelet anti-rapprochement. Comment expliquez-vous ces échecs catastrophiques de la justice à protéger les femmes victimes de violences conjugales, en particulier face à des multirécidivistes ? Le Grenelle a-t-il changé quoi que ce soit en ce qui concerne les féminicides ?
SB : En fait, je ne me l’explique pas. Ce qu’il y a, c’est qu’aujourd’hui, à mon humble avis, on a tout un arsenal de mesures pour protéger les femmes. On a tout ce qu’il faut, les ordonnances de protection, le bracelet anti-rapprochement, le téléphone grave danger, on a ce qu’il faut pour protéger les femmes. Le problème, c’est la mise en application. Pourquoi ce n’est pas mis en application ? Il y avait, dans l’affaire de Mérignac, une mauvaise évaluation du danger, le danger représenté par cet homme a été sous-évalué, il n’aurait pas dû sortir comme ça, sa sortie n’avait pas été annoncée. Maintenant, les victimes doivent être averties de la sortie de leur agresseur mais ce n’est pas toujours le cas : encore aujourd’hui, il y a par exemple un homme qui devait être équipé d’un bracelet pénitentiaire en juillet suite à sa condamnation pour violences sur son ex conjointe en récidive, il n’en a toujours pas été équipé. Il y a une grosse différence entre le discours tenu et la réalité du terrain. Sur le terrain, ça ne suit pas, et je ne suis pas capable de dire pourquoi.

FS : Peut-être c’est tout simplement une question de budget. Vous savez qu’en Espagne on a réussi à diminuer d’à peu près 50% le nombre des féminicides parce qu’on a consacré environ 1 milliard d’Euros à la lutte contre les violences masculines dans le couple. Regardez ce qui est alloué à la lutte contre les féminicides et les violences conjugales en France, c’est peanuts à côté.
SB : Il y a une question de manque de moyens, il y a aussi une question de manque de personnel, il manque beaucoup de magistrats. J’ai accompagné des femme victimes de violences, une femme qui a été victime de violences conjugales en juin 2020, son affaire a été jugée en janvier 2022, donc un an et demi après. Pendant un an et demi, Monsieur est sous contrôle judiciaire, mais qu’est-ce qui l’empêche de l’attendre en bas de son immeuble et de la tuer ? Il y a un manque cruel de moyens, un manque cruel de personnel. Après, nous familles de victimes, nous pensons que, peu importe ce que ça va coûter, il faut protéger les femmes, toutes ces femmes sont mortes parce qu’on n’a pas su les protéger. A un moment donné, quel que soit le prix, il faut mettre en œuvre des mesures immédiates et efficaces.
FS : Je dirais aussi que, s’il y a un manque de moyens, c’est parce qu’il y a un manque de volonté politique, de vraie volonté politique. Pas juste des effets d’annonce, de la com, mais une volonté réelle de diminuer ces violences et de faire tout ce qu’il faut pour ça. Quand on lit les comptes-rendus de féminicides dans la presse, on dirait que c’est quelque chose d’inévitable, une sorte de catastrophe naturelle, comme une tornade, on ne peut rien y faire. Et le vocabulaire que l’on continue à employer « crime passionnel », c’est révélateur du manque de prise de conscience…
SB : Le problème, c’est qu’en France on est encore plus attachés aux biens qu’aux personnes, quelqu’un qui va braquer une banque sans tuer personne, il va prendre 30 ans, et le type qui va tuer sa femme, il va prendre 20 ans et tant qu’on en sera là, il y aura un gros problème. Tant que les politiques ne s’investiront pas, tant qu’on ne travaillera pas d’arrache-pied là-dessus, rien ne changera. Et j’ai envie de dire : c’est normal, ça ne concerne que des femmes, ce ne sont que des femmes qui meurent donc ce n’est pas très grave. Il y a un certain fatalisme dans leurs discours : « oui, elles meurent, mais ces meurtres, on ne pourra jamais les éradiquer ». On n’a pas à se fixer comme objectif de les éradiquer complètement pour agir, pour commencer on peut déjà essayer de faire baisser les chiffres. Plus De 20% d’augmentation en 2021, c’est juste pas possible. C’est un Bataclan par an pour les femmes victimes et leur famille (l’attentat du Bataclan en 2015 a fait 90 victimes NDLR).
FS : Exactement. J’avais fait une comparaison entre les crédits qui sont alloués à la lutte contre le terrorisme et ceux qui sont alloués à la lutte contre les violences conjugales en France : un peu plus de 6 millions d’Euros en 2022 pour les violences conjugales (1). Ceci alors que le budget de la lutte contre le terrorisme a été de 9 milliards d’Euros entre 2015 et 2020 (soit 1,8 milliard par an) ; le terrorisme a fait 263 victimes en 18 ans (entre 2 000 et 2018, soit environ 14 victimes par an), la violence conjugale en a fait 2 130 en 14 ans (entre 2006 et 2020, soit 152). On voit bien là à quel prix est estimée la vie des femmes, on voit bien quelles sont les priorités (2).
SB : Tout à fait, et c’est même pire que ça, une fois que la femme est morte, qu’est-ce qu’on fait pour sa famille ? Rien du tout. On ne les accompagne même pas, pas d’accompagnement psychologique, judiciaire, rien. C’est comme si, quand elle est morte, tout s’arrête, on passe à autre chose. Pour nous les familles, c’est le parcours du combattant devant la justice. On ne connait pas nos droits, les familles ne sont pas informées, un membre d’une famille de victime m’a dit qu’il allait devoir vendre sa maison pour payer les frais d’avocats. Des familles sont perdues, en grandes difficultés financières parce qu’elles ne savent pas qu’elles ont droit à l’aide juridique. Elles ne savent qu’elles peuvent aller dans un centre de prise en charge psycho-traumatique où elles n’auront pas à payer les séances. C’est honteux de laisser des familles abandonnées comme ça, et c’est honteux de confier des enfants traumatisés à des familles d’auteurs de féminicides où ils vont entendre « ah mais tu sais, ta maman n’était pas très gentille, c’est un accident, papa il ne voulait pas ». Ou de les mettre dans des familles qui sont tellement effondrées d’avoir perdu la victime qu’elles ne seront pas capables de bien prendre en charge ces enfants. Il y a tout à revoir en ce qui concerne le traitement des familles des victimes.
FS : Justement, parlez-moi de l’association que vous avez créée, l’UNFF, pour soutenir les familles des victimes. Vous notez dans votre livre qu’il existe des structures d’aide psychologique pour les familles de victimes de terrorisme ou de guerre, mais rien pour les familles de victimes de féminicides, et c’est la raison pour laquelle vous avez créé l’UNFF. Comment expliquez-vous cette carence et pouvez-vous nous parler des actions de l’UNFF?
SB : Ce que nous faisons, c’est d’abord l’accueil des familles, donc on va les accompagner pour la recherche d’un avocat, pour la prise en charge des psycho traumas, on va leur apprendre à rédiger des courriers, on va les accompagner au procès, on va les accompagner pendant toute la durée du processus judiciaire, on va organiser des prises de parole en partenariat avec des centres de traitement des psycho-traumas, ça c’est la première chose. Après, on va parler aux adjudants, on forme des forces de l’ordre, on fait des expositions pour amener à réfléchir sur ce qu’est un féminicide, pourquoi on en arrive là, on fait des brochures pour que les familles soient bien informées. Notre action principale, c’est d’accompagner les familles qui sont laissées dans une terrible solitude.
2/ https://fr.statista.com/statistiques/573279/nombre-femmes-tuees-violence-couple/
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