Avortement sélectif: 142 MILLIONS DE FILLES MANQUANTES

INTERVIEW DE BENEDICTE MANIER

Par Francine Sporenda

FS : Il y a en Asie (principalement Chine et Inde, ainsi que d’autres pays moins peuplés, comme le Pakistan, le Bangladesh, l’Afghanistan, etc., un déficit énorme du nombre de femmes dû principalement à l’avortement des fœtus féminins et aux moindres soins et nourriture que reçoivent les filles par rapport aux garçons dans ces pays. Selon les chiffres que vous citez, ce chiffre de femmes manquantes a été évalué à 163 millions en 2005 par le FNUAP (Fonds des Nations unies pour la Population). Savez-vous quel est ce chiffre actuellement ?

BM : Oui, le rapport 2020 du FNUAP a actualisé le nombre de femmes manquantes en l’estimant à 142 millions entre 1970 à 2020. Ce sont des filles et des femmes qui, durant cette période, auraient vécu s’il n’y avait eu aucun avortement sélectif ou aucune négligence dans l’enfance ayant provoqué leur mort prématurée. La grande majorité de ce déficit est situé en Chine (51%) et en Inde (32%), ce qui fait de l’Asie est le continent le plus masculin au monde. Concrètement, on estime qu’il manque chaque année en moyenne 1,2 million de naissances de filles dans le monde, dont 666 300 en Chine et 461 500 en Inde. Mais d’autres pays sont aussi concernés. Il manque 40 800 naissances de filles par an au Vietnam, ainsi que 6 200 en Azerbaïdjan, 1 100 en Arménie et 100 en Géorgie, trois pays du Caucase touchés par la même préférence pour les garçons, comme l’a démontré le démographe Christophe Z. Guilmoto. C’est aussi vrai en Tunisie (1 400 naissances annuelles de filles en moins), en Albanie (500) et au Montenegro (100).

FS : Pourquoi les filles sont-elles vues traditionnellement comme un fardeau en Inde et en Chine ?

BM :  Les deux pays ont en commun d’avoir une préférence ancestrale pour les garçons, qui a été accentuée par des facteurs récents. En Chine, seul le fils peut pratiquer les rites religieux qui font vivre l’âme des ancêtres. Mais cette préférence traditionnelle pour les fils a été amplifiée par la politique de l’enfant unique, imposée à partir de 1979 de manière très coercitive. En même temps, la décollectivisation des terres a incité les fermiers à vouloir davantage de bras masculins pour accroître les rendements agricoles. En Inde, la tradition juge également essentiel d’avoir un fils qui perpétue le nom du père et qui effectue les rites religieux hindous lors des funérailles des parents, sinon leur âme n’aura pas de voyage heureux dans l’au-delà. C’est aussi le fils qui hérite du patrimoine familial, qui gagne l’argent de la famille et peut donc aider ses parents quand ils sont âgés : c’est un facteur important dans les pays où il n’existe pas, ou peu, de retraite ou d’assurance santé. Une fille a un rôle moins important, puisqu’elle part vivre chez sa belle-famille en se mariant et n’est donc d’aucune aide ne pour ses parents âgés. Et surtout, pour la marier, ses parents doivent payer une dot dont le montant est proportionnel à leurs revenus. La dot est un pilier important du mariage en Inde. Elle reflète le statut social et financier de la famille et peut donc atteindre des montants très élevés dans les classes moyennes, voire astronomiques chez les plus riches. En payant une dot, les parents de la mariée transfèrent une partie de leur patrimoine vers la belle-famille. La dot a été interdite en Inde en 1961, mais elle n’a jamais cessé d’être pratiquée car elle est une aubaine pour la belle-famille : celle-ci demande aux parents de sa fiancée de leur offrir de l’argent, des bijoux, des vêtements, des appareils électroménagers, etc. Souvent, quand une fille naît, ses parents commencent déjà à économiser en vue de la dot qui leur sera demandée vingt ans plus tard, à son mariage.

FS : On pense dans les pays occidentaux que l’avortement des fœtus ne concerne pas ou peu les familles occidentalisées et/ou appartenant aux classes moyennes de ces pays. Ce n’est pas le cas, en fait c’est ce type de famille qui est le plus touché par cette pratique qui est, comme vous le dites dans votre livre, « un effet paradoxal du développement », le fruit d’une « alliance maléfique entre la tradition et la technologie moderne » pour éliminer les filles. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

BM : Pour saisir le tableau d’ensemble, il est essentiel de comprendre que toute la société n’élimine pas les filles. Loin de là. On le voit bien en Inde, où le phénomène se concentre d’abord sur les régions, les castes et les communautés les plus conservatrices. La sélection prénatale est donc surtout visible dans les états indiens du nord-ouest, à la culture plus patriarcale. Mais elle est peu présente dans les régions aux mentalités plus progressistes, comme le Kerala, au sud, où le statut social des femmes est plus avancé. Les préjugés contre les filles n’ont pas cours non plus dans les milieux intellectuels, où elles sont autant valorisées que les garçons. Sur ce contexte sociologique se greffe le fait que la dot varie selon les milieux. En Inde, plus on monte dans la hiérarchie sociale, plus elle est élevée. Les classes moyennes et riches ont donc davantage recours à l’avortement des fœtus féminins, parce qu’elles ont plus d’argent à perdre en versant des dots. Le développement économique a ainsi réuni deux facteurs défavorables aux filles : l’arrivée de l’échographie et de l’IVG médicalisée et la montée d’une classe moyenne aisée qui veut garder son argent, sur fond de mentalités conservatrices. Chez les familles pauvres, au contraire, la dot est faible. Et d’autres facteurs jouent : les filles sont une aide utile pour les travaux familiaux et elles sont mariées assez tôt, ce qui réduit le montant de la dot. C’est donc une erreur de penser que l’élimination des filles serait liée à la pauvreté ou à l’ignorance : c’est avant tout un calcul économique de classes éduquées, aisées et plus occidentalisées, qui profitent de l’essor économique et qui ne veulent pas perdre les biens qu’elles ont acquis. On voit d’ailleurs que les taux d’élimination des filles sont plus élevés dans les régions riches (New Delhi, les Etats prospères du Punjab, de l’Haryana, du Maharashtra, du Gujarat et dans les villes, plus aisées que les campagnes. Et à l’intérieur des villes, les quartiers de classes moyennes sont plus concernés que les quartiers populaires.

Il ne faut pourtant pas en déduire que rien ne changera jamais. La société indienne évolue et les jeunes urbaines, plus émancipées que dans le monde rural, font peu à peu bouger l’image des femmes. Progressivement, la situation devrait évoluer. Il faut aussi rappeler qu’il y a du changement en Chine : l’abrogation de la politique de l’enfant unique en 2016 a permis de réduire le déséquilibre entre les sexes à la naissance. Il est passé de 118 garçons pour 100 filles au recensement de 2010, à 111 garçons pour 100 filles en 2020. On peut sûrement envisager, à terme, un rééquilibrage total des naissances, même si celui-ci prendra du temps. Cela dit, il y a quand même des facteurs qui, au contraire, contribuent à maintenir la sélection prénatale, comme le prix croissant de l’éducation. Beaucoup de familles chinoises ne peuvent financer les études que d’un seul enfant, et donc de préférence un garçon. En Inde aussi, l’éducation supérieure est de plus en plus chère. Il est donc jugé plus rentable de payer les études d’un garçon car, plus tard, ses revenus resteront dans la famille. La réduction de la taille des familles va aussi dans ce sens : les couples indiens n’ont aujourd’hui que de 2,1 enfants en moyenne. Mais avec moins d’enfants, il est essentiel d’avoir au moins un fils. Quand le premier enfant est une fille, le suivant doit absolument être un garçon et on voit la sélection prénatale s’accentuer à la deuxième naissance. 

FS : Cette pratique, que certain.es ont qualifiée de « génocidaire », a connu un développement exponentiel avec la banalisation de l’échographie pour les femmes enceintes. Pouvez-vous nous parler de la multiplication dans ces pays, comme en Inde, des cliniques proposant un forfait échographie-avortement, de la manne financière que cela représente pour le corps médical et de ce qu’ont fait les gouvernements pour combattre—mollement—cette suppression des fœtus filles ?

BM : Durant des siècles, en Inde et en Chine, les filles non désirées ont été éliminées par infanticide. Mais à partir des années 70, l’arrivée de l’échographie et de l’avortement médical a permis de détecter le sexe des fœtus avant la naissance et d’éliminer plus facilement ceux de sexe féminin. Paradoxalement, ces techniques modernes censées aider les femmes se sont donc en partie retournées contre elles. En Chine, l’échographie et l’IVG sélectives ont été mises au service de la politique de l’enfant unique : obligées de n’avoir qu’un enfant, les couples ont souvent opté pour un garçon. En Inde, l’avortement sélectif est interdit depuis 1996 et comme cette interdiction est respectée à l’hôpital public, les familles se sont vite tournées vers les cliniques privées d’échographie, moins scrupuleuses. Ces cliniques se sont multipliées dans tout le pays : on en trouve des dizaines dans les petites villes rurales et des centaines dans les grandes villes. Pour contourner l’interdiction de révéler le sexe du fœtus à l’examen, les médecins y utilisent un langage codé. S’ils disent aux femmes « d’acheter des gâteaux », elles comprennent qu’elles peuvent se réjouir car elles attendent un garçon. Pour une fille, ils glissent par exemple le mot « déesse » dans la conversation. Et comme la plupart des cliniques proposent un forfait échographie + avortement, les femmes peuvent avorter du fœtus féminin dans la foulée. Pour le secteur médical privé, la sélection prénatale est ainsi devenue une activité lucrative. Une ONG indienne a même établi le lien existant entre la densité de cliniques dans une zone donnée et la fréquence de l’élimination des filles. Les autorités de santé effectuent bien sûr des contrôles. Des médecins fautifs sont arrêtés et condamnés, des cliniques fermées mais pas à une échelle suffisante. De plus, la position des autorités est difficile. Doivent-elles restreindre l’accès à l’échographie et à l’IVG pour contrôler le détournement de leur usage ? Mais ce serait faire prendre des risques aux femmes enceintes et doper le nombre d’avortements clandestins. Pour lutter contre la sélection prénatale, l’Inde et la Chine préfèrent lancer des campagnes de sensibilisation et de soutien aux filles. Les pouvoirs publics valorisent leur naissance par des fêtes, des journées officielles, des allocations financières versées aux parents pour payer leurs futures études, ou l’ouverture de comptes d’épargne en leur nom. Depuis la fin de la doctrine de l’enfant unique, la Chine encourage les couples à avoir plusieurs enfants, dont des filles.

FS : Pouvez-vous nous parler du contexte de violences majeures envers les femmes dans lequel ont lieu ces pratiques d’avortement sélectif ?

BM : L’Asie n’a évidemment pas le monopole des violences contre les femmes. Les violences domestiques y sont aussi fréquentes qu’ailleurs, mais on y trouve aussi des formes spécifiques de violence, comme les viols d’honneur (une femme est violée pour punir sa famille d’une faute commise) et les brûlures à l’acide au Bangladesh et au Pakistan, ou encore les crimes liés à la dot en Inde. En Inde, après le mariage, il arrive en effet que le mari et la belle-famille harcèlent la jeune mariée pour obtenir encore des cadeaux de la part de ses parents (de l’argent, une télévision, une moto…). Tant qu’ils ne donnent rien, la jeune femme est maltraitée, voire torturée. Et s’ils refusent, elle est empoisonnée, ou brûlée vive, arrosée d’essence par son mari. Le plus souvent, le mari prétend bien sûr qu’il s’agit d’un « suicide » ou d’un « accident domestique ». En 2021, la police indienne a comptabilisé 6 800 crimes liées à la dot, soit 18 femmes tuées chaque jour. Ce chiffre baisse depuis plusieurs années, car entre 2011 et 2014, on en recensait autour de 8 400 par an. Mais est-ce qu’il y en a vraiment moins, ou est-ce qu’il y a moins de déclarations ? Difficile à dire.

FS :  Pourquoi les femmes—épouses et belles-mères—acceptent-elles ces avortements sélectifs, souvent répétés ?

BM : Les jeunes mariées subissent une pression familiale et sociale importante pour avoir un garçon. Quand elles étaient jeunes, les belles-mères l’ont subie elles-mêmes. C’est une norme sociale qu’elles ont intégrée et qu’elles transmettent à leurs belles-filles. Comme celles-ci vivent chez leurs beaux-parents après leur mariage, elles doivent suivre ces règles, surtout dans le monde rural, resté plus traditionnel. A chaque génération, les jeunes femmes se voient ainsi rappeler qu’il est essentiel d’avoir un garçon pour que les biens acquis par une vie de travail ne soient pas gaspillés dans une future dot. Quand on y regarde bien, éviter d’avoir une fille est finalement une réaction des familles indiennes à des inégalités et des problèmes sociaux non résolus : l’exclusion des filles de l’héritage des terres, le faible statut social des femmes, l’obligation de verser une dot seulement pour les filles et l’inflation que connaît cette dot dans le monde moderne, ainsi que l’absence de protection sociale pour les parents âgés. Mais c’est un paradoxe de répondre à ces inégalités en créant une autre inégalité. Si l’interdiction de la dot et l’égalité de l’héritage étaient respectées, si le détournement de l’IVG par les cliniques était fermement réprimé, si les personnes âgées avaient une retraite, la discrimination envers les filles finirait par disparaître. Et tout cas, pour la jeune mariée qui vit chez sa belle-famille, il est difficile de remettre en cause ces normes établies. D’autant qu’en Inde, la position sociale des femmes est en général inférieure à celle des hommes et que leur faible participation au marché du travail ne les aide pas à s’émanciper. L’Inde est en effet le seul pays où le développement économique s’est accompagné d’une chute du taux d’activité des femmes, passé de 32% en 2005 à 19% en 2021. Il reste important que ce soit le mari qui gagne l’argent du ménage. Mais sans autonomie financière, il est difficile pour les femmes de s’affirmer et de s’affranchir des normes familiales. Leur absence de revenus perpétue même la désaffection envers les filles, car on estime d’autant plus que seuls les garçons peuvent plus tard entretenir financièrement leurs parents âgés. A contrario, la Corée du Sud montre à quel point l’autonomisation des femmes permet de lutter contre la sélection prénatale des filles. Car l’industrialisation du pays a fourni de nombreux emplois aux femmes. Elles ont ainsi montré qu’elles pouvaient gagner autant d’argent qu’un homme et aider tout aussi bien leurs parents âgés. Ce qui, en plus d’une répression vigoureuse des avortements sélectifs, a mis fin aux discriminations envers les filles. Aujourd’hui, il n’y a plus de sélection prénatale en Corée du Sud.

FS : Le nombre nettement supérieur de naissances de garçons entraîne une masculinisation de la population. Quelles sont les conséquences lorsque le nombre d’hommes dans une population dépasse de 25% à 30% celui des filles ? Que font les hommes qui ne peuvent pas trouver d’épouse localement, soit 30 à 40 millions en Chine en 2020? Certains devront-ils rester célibataires et sans enfants ?

BM : Ce surnombre d’hommes crée une distorsion sur le marché du mariage, qui doit se réorganiser. Quand les célibataires ne trouvent pas d’épouses de leur âge, une partie d’entre eux se reportent sur des femmes bien plus jeunes. Certains célibataires changent aussi de région pour trouver une épouse ailleurs. Et d’autres font appel à des trafiquants, qu’ils paient pour amener des femmes d’autres régions. En Inde, ce trafic de femmes est attesté dans plusieurs régions et les trafiquants sont souvent des routiers, qui voyagent d’un endroit à l’autre. Certaines femmes sont aussi amenées du Bangladesh ou du Népal voisins. En Chine, les mêmes trafics ont lieu, à la fois à l’intérieur du pays et avec des jeunes femmes amenées de pays voisins, comme le Myanmar, le Vietnam et le Cambodge. La plupart des victimes sont des jeunes femmes et des adolescentes issues de familles pauvres et de minorités ethniques. A leur arrivée, beaucoup deviennent des esclaves sexuelles et domestiques. Par ailleurs, à Taïwan, on voit des agences matrimoniales se spécialiser dans les rencontres avec des femmes de Thaïlande, d’Indonésie ou du Cambodge. En dépit de ces adaptations, de nombreux hommes resteront quand même célibataires. Ce qui va modifier les normes sociales, le célibat devenant plus normal là où autrefois, il fallait absolument être marié. Les laissés-pour-compte du mariage sont plutôt les hommes de milieux défavorisés, socialement moins attractifs. Le grand nombre d’hommes non mariés en Asie favorise aussi le développement des réseaux de proxénétisme et des trafics qui y sont liés. En plus de la prostitution locale, on sait que de jeunes Chinoises sont emmenées vers Taïwan pour y être prostituées. Des Vietnamiennes et des Thaïlandaises sont aussi amenés en Chine et à Taïwan, et des jeunes Népalaises en Inde.

FS : Pouvez-vous nous parler du développement de la polyandrie (subie) en conséquence de cette situation ?

BM : Elle existe en Inde, mais elle semble très limitée. On constate des cas de frères célibataires se «partageant » une même femme achetée à un trafiquant. Soit parce qu’ils n’avaient pas les moyens d’acheter chacun une épouse, soit parce qu’une seule femme pour la fratrie leur permet de ne pas diviser les terres agricoles de la famille entre plusieurs couples. Inutile de dire que ces femmes sont elles aussi des esclaves. Par ailleurs, on a constaté des cas de femmes achetées, puis revendues plusieurs fois à d’autres hommes après leur avoir donné le fils qu’ils voulaient.

FS : Quelles sont les conséquences potentielles de ce surplus d’hommes pour la paix sociale dans ces pays, et plus généralement pour la paix dans le monde ?

BM : En Inde, on dit couramment que le célibat durable mène les hommes à l’alcoolisme et la délinquance, et que la présence de nombreux célibataires constitue un danger pour les jeunes filles, qui ne doivent plus sortir seules. Il est en effet logique de faire un lien entre le surplus d’hommes et la fréquence élevée des violences sexuelles en Inde : environ 32 000 viols sont enregistrés chaque année (mais ce chiffre ne reflète pas la réalité, car de très nombreux viols ne sont pas répertoriés). Le problème est qu’il faudrait établir clairement ce lien par des études, ce qui donnerait des arguments en plus à la lutte contre la sélection prénatale. Par exemple, l’État indien qui compte le plus de viols est le Rajasthan, un État qui connaît un déficit de femmes : c’est le genre d’endroit où il faudrait mener des études spécifiques. Par ailleurs, pour la Chine, des spécialistes américains ont émis l’hypothèse que le pays pourrait être tenté d’enrôler les nombreux célibataires dans l’armée et de les occuper dans des conflits frontaliers. C’est une hypothèse intéressante. Il est vrai que la Chine montre actuellement ses ambitions militaires dans la région mais il reste à démontrer que le surnombre de célibataires joue vraiment un rôle dans ces ambitions ou dans le développement de l’armée. Les projets militaires de la Chine existeraient probablement aussi sans ce surplus d’hommes. La seule chose qui est sûre est qu’une différence numérique entre les femmes et les hommes crée un déséquilibre délétère dans une société, surtout quand elle atteint une échelle de plusieurs dizaines de millions de personnes, comme en Inde et en Chine. Cette surmasculinisation est potentiellement porteuse de violences envers les femmes et elle montre la faiblesse de leur statut social. C’est là qu’il faut agir ; les aider à s’émanciper et à prendre toute leur place, notamment par l’éducation et l’égalité des salaires, et lutter contre le poids de la dot en Inde. Tout ce qui peut revaloriser la position sociale des femmes et montrer qu’elles valent autant qu’on nomme sera susceptible d’affaiblir les discriminations à leur égard.