INTERVIEW DE SALIMA MASSOUI

Par Francine Sporenda

Salima Massoui est détentrice d’un doctorat en sociologie de l’Université Hassan II de Casablanca. Elle est actuellement chercheure postdoctorale à l’Ecole de travail social à l’université de Québec à Montréal. Ses recherches portent sur la violence et l’homicide conjugaux en contexte migratoire et dans la société d’origine.

F : Le suicide d’Amina el Fillali, jeune fille de 16 ans violée par un inconnu de son quartier, qui s’est donné la mort en 2012 en avalant de la mort aux rats, a choqué le Maroc : une disposition archaïque du Code marocain, amendée depuis, autorisait le mariage d’une fille violée avec son violeur, ce que ses parents ont voulu lui imposer « pour sauver l’honneur de la famille ». Pourtant, vous dites que cette pratique existe toujours ?

SM : Oui, c’est une pratique qui existe toujours au Maroc. L’honneur et la réputation de la famille marocaine sont des éléments fondamentaux dans les relations sociales au sein de la tribu, de la communauté ou du quartier. Cet honneur repose particulièrement sur le corps de la femme et sa virginité. Pour éviter le déshonneur (el ‘ar), les parents s’entendent avec les autres familles sur le mariage de leurs enfants. Ils se donnent le droit de donner leur fille en mariage à l’homme qu’ils ont choisi pour elle, avec ou contre son gré. Dans le cas d’Amina el Fillali, les parents ont accepté que leur fille épouse son violeur qui normalement était censé être puni. Autrement dit, celui-ci leur a fait une proposition de mariage qu’ils ont acceptée pour éviter le déshonneur de la famille, mais aussi pour que l’affaire ne soit pas dévoilée.

Le problème, c’est qu’après son mariage, Amina était maltraitée par sa belle-mère et son mari, c’est ce qui l’a amenée à se suicider. Elle a préféré le suicide au divorce. Bien que le divorce ne soit pas interdit aux femmes, il demeure difficile puisque la société ne l’encourage pas, même lorsque les problèmes du couple sont connus de tous ou que le mariage est malheureux depuis ses débuts. Si vous vous souvenez, dans mon ouvrage, 11 des femmes que j’ai interrogées ont subi un mariage forcé. Le mariage forcé, ça peut être le début de la trajectoire qui mène aux violences conjugales…

F : C’est ce que vous soulignez dans votre livre : il y a une sorte de continuum des violences, et le mariage forcé est une forme de violence.

SM : Oui, Amina, avant le mariage forcé, avait déjà subi deux formes de violence : le viol et la violence de ses parents. Si ses parents avaient accepté que l’agresseur soit puni et n’avaient pas forcé leur fille à l’épouser, elle serait encore vivante et probablement libre.

F : Vous soulignez dans votre livre que, bien que le Code de la famille, réformé en 2004, ait évolué dans le sens d’une pénalisation des violences conjugales, celles-ci sont encore très répandues au Maroc et considérées comme normales et acceptables. Un fort pourcentage d’hommes et de femmes considère qu’un mari a le droit de battre sa femme, 1 femme sur 3 dit avoir subi de la violence physique, 1 sur 4 de la violence sexuelle. La tolérance sociale à ces violences semble être considérable : souvent les familles et même les mères ne réagissent pas quand elles apprennent que leur fille est battue. Pouvez-vous nous parler de cette tolérance sociale à la violence masculine ?

SM : En effet, les familles et même les mères ne réagissent pas quand leur fille est battue, parce qu’elles considèrent que la violence du mari est normale. Une femme doit accepter cette violence parce que son mari a autorité sur elle. La famille va donc culpabiliser sa fille et donner raison au mari, même s’il abuse d’elle. Les familles intègrent certaines valeurs socio-culturelles et religieuses qui légitiment la violence des maris. Certains d’entre eux, par exemple, recourent à un des versets coraniques largement interprétés comme leur donnant le droit de corriger leur épouse. Les femmes intègrent aussi ces explications socio-culturelles qui leur font accepter cette violence. Plusieurs proverbes qui circulent la légitiment également : par exemple, « si ton mari te bat, il ne laissera pas un autre homme te battre ». Tout aussi problématique que soit cette façon de penser, elle légitime l’action de l’homme en renvoyant que s’il protège son épouse, il a des droits sur elle.

F : J’ai entendu aussi des hommes marocains dire : « si un homme bat sa femme, c’est qu’il l’aime »…

S.M. : Exactement. Ils mettent en avant des interprétations masculines qui justifient leur comportement et qui posent que la femme doit persévérer, accepter, subir. Il y a derrière cela l’idée que cette violence est normale parce que c’est son mari, c’est le chef de famille, c’est le maître, donc il faut se soumettre à lui. Le devoir de la femme, c’est de persévérer avec son mari et de rester chez elle.

F : Une violence majeure envers les femmes qui continue au Maroc est la pratique des mariages arrangés. Bien que le Code marocain stipule que le consentement de l’épouse doit être explicite, dans l’enquête dont vous analysez les résultats, 65 % des femmes ont été mariées par leurs parents. Comment se passe un mariage arrangé, comment s’y prennent les parents pour négocier entre eux et pour le faire accepter à leur fille ?

SM : Le mariage arrangé renvoie à un système hiérarchique de relations sociales où les adultes ont autorité sur les enfants, et c’est ce système qui fonde la famille. Ce faisant, il n’est pas juste une affaire privée, c’est une affaire collective et familiale qui repose sur des alliances. Souvent les parents vont s’entendre entre eux, puis ils vont s’entendre avec les parents du futur marié, ce qui implique de se mettre d’accord sur la dot, les conditions du mariage, la cérémonie, etc. Ils vont donner leur parole d’honneur, s’engager à ce que le mariage se réalise. Les futurs mariés ne sont autorisés à se rencontrer qu’une fois l’accord passé, et seulement une ou deux fois en présence d’un membre de la famille pour mieux se connaître, mais ils n’ont pas leur mot à dire à propos de l’accord.

Il serait faux de croire que l’homme est particulièrement avantagé dans cette affaire puisqu’il est, lui aussi, obligé d’épouser la femme que ses parents, surtout sa mère, ont choisie pour lui. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles les parents obligent leur fille à se marier. L’une des plus fréquentes est la peur que la fille demeure célibataire une fois dépassée la vingtaine, ce qui la disqualifie pour le mariage. Quand les premiers demandeurs frappent à la porte, les parents ont souvent peur de rater l’occasion et que leur fille reste célibataire. Donc ils peuvent forcer la fille à se marier parce qu’ils craignent que l’occasion ne se représente pas. Plusieurs préfèrent la donner en mariage très jeune plutôt que courir le risque qu’elle ne se marie pas.

Dans les milieux populaires et chez les familles pauvres, la fille est fréquemment considérée comme une charge économique dont les parents cherchent à se débarrasser. Le mariage est la manière socialement acceptée pour y arriver. Dans mon livre, je relate l’histoire d’une femme que la mère a donnée en mariage rapidement, sans même respecter le protocole à suivre.

Il y a enfin certains parents qui, après avoir donné leur parole et s’être entendus entre eux, refusent de la retirer pour préserver leur image sociale. Ils vont donc la forcer à se marier pour ne pas subir de conséquences négatives sur la réputation de la famille, pour éviter que le père n’apparaisse comme quelqu’un qui n’a pas d’autorité et qui ne contrôle pas sa fille. De même, si le refus de la fille est rendu public, il est fort probable que les gens pensent que c’est pour des raisons négatives qu’elle refuse de se marier, à savoir qu’elle a déjà couché avec un homme, qu’elle a peut-être perdu sa virginité, et qu’elle ne veut pas que cela soit dévoilé au grand jour. Autrement dit, elle refuserait de se marier pour cacher l’erreur qu’elle a faite et éviter le déshonneur.

F : Vous le soulignez très bien : le mariage dans ce contexte est une affaire qui intéresse toute la collectivité : la famille, les voisins…

SM : Oui, cela intéresse d’abord les parents, mais aussi les grands-parents, les frères et sœurs s’ils sont adultes, et dans certaines familles les cousins, les oncles et les tantes. Il y a maintenant des jeunes qui veulent se marier par amour, mais il faut quand même qu’ils obtiennent la bénédiction des parents. Si les parents ne sont pas d’accord dès le départ, ils peuvent rendre la vie impossible aux amoureux en enquêtant sur l’autre famille, sur sa réputation, bref, sur tout le monde !

F : Vous dites que, bien que le Code de la famille ait facilité le divorce, qui n’était auparavant possible que pour le mari, cela n’a rien changé, les femmes sont toujours réticentes à y recourir. Quelles sont les différentes raisons qui dissuadent les femmes de divorcer ?

S.M. : Le divorce est très mal vu dans la société marocaine et les femmes divorcées sont souvent stigmatisées. Les autres familles les voient comme des femmes irresponsables qui n’ont pas su persévérer avec leur mari. Ce qu’il faut comprendre, c’est que la société marocaine est organisée de manière telle que la stabilité de la famille repose sur les épaules de la femme. Même si son mari est violent avec elle, elle doit rester, maintenir le lien conjugal et garder la famille et les enfants ensemble. La femme qui reste avec son mari quoi qu’il arrive et qui assure la stabilité de la famille est considérée comme une bonne épouse. La famille d’une telle femme qui respecte son mari, sa famille et les normes socio-culturelles est considérée comme une bonne famille. Demander le divorce, c’est rompre avec les normes, rompre avec les valeurs. D’ailleurs, certaines familles n’acceptent pas que leur fille divorce de peur des conséquences négatives : avoir une femme divorcée dans la famille renvoie l’image que les femmes de cette même famille ne sont pas responsables, ce qui risque d’affecter leurs possibilités d’être demandées en mariage.

F : Qu’est ce qui se passe quand une femme quitte le domicile conjugal ? En particulier, pouvez-vous nous parler de la médiation sociale qui se met en route pour la faire revenir à son mari ? Pouvez-vous aussi nous parler du scénario inverse où c’est le mari qui met sa femme à la porte, qui semble être assez courant au Maroc ?

SM : Je vous ai dit que le couple n’est pas un espace intime et privé, que c’est une affaire familiale. Dans cette conception, la famille joue un rôle primordial et les membres qui en font partie n’y ont pas de place en tant qu’individus. Les problèmes et les échecs d’un membre concernent toute la famille, et ils sont résolus par l’intervention de toute la famille. Quand un couple rencontre un problème, les deux conjoints cherchent rarement à le résoudre entre eux : ils font plutôt appel à des membres de la famille, par exemple des parents, chefs ou oncles, pour faire la médiation pour résoudre cette situation. Cette médiation est une continuation du mariage arrangé, c’est-à-dire que les personnes qui ont arrangé le mariage sont aussi celles impliquées dans sa poursuite. Quand une femme quitte volontairement le domicile conjugal ou que le mari la met à la porte, la médiation intervient pour que la famille soit restaurée et que la femme retourne à son mari.

Dans tous les cas, ce n’est pas une réconciliation faite sur des bases saines où le mari assumerait le caractère problématique de son comportement. Au contraire, l’homme recourt la plupart du temps à la médiation familiale pour se cacher derrière l’intervention et ne pas remettre en question son comportement. Au lieu de reconnaître qu’il est violent avec son épouse, il préfère faire appel aux médiateurs qui vont mettre de la pression sur elle et l’obliger à rentrer à la maison, ce qui a pour conséquence qu’elle doit se résigner et accepter son sort. La pression sur l’épouse est d’autant plus forte que les médiateurs sont des personnes respectées et qu’il est mal vu de ne pas accepter de se plier à leurs recommandations. Souvent, les femmes retournent à leur mari sans régler le vrai problème. En fait, c’est même une solution qui intensifie la violence parce que quand la femme retourne à lui, le mari peut facilement l’interpréter comme un encouragement à poursuivre sa violence.

Le geste même de l’expulsion est lié au fait que le mari se considère comme le maître de la maison. Donc, quand sa femme n’obéit pas à ses ordres ou refuse de coucher avec lui, il considère qu’il a le droit de l’expulser. C’est une manière de la punir et de lui rappeler que c’est lui qui décide et qu’elle n’a que le droit de se taire. L’expulsion, comme forme de violence, est un moyen pour garder le contrôle sur sa femme, pour reprendre la main et restaurer l’ordre patriarcal dans la famille. À travers ce geste, il manifeste que la continuité du couple est entre ses mains et qu’il aura raison d’elle puisque la famille est de son côté. Autrement dit, il se dit : « J’ai des médiateurs qui me soutiennent, tout le monde approuve mon comportement, tu devras aussi t’y conformer. »

F : Il lui dit : « ce que je fais, c’est soutenu par la société tout entière » ?

SM : Exactement, il se dit : « ce que je fais, c’est la norme ». C’est pourquoi je dis que la médiation ne règle pas le problème. Bien au contraire, elle nie le caractère problématique de la violence. Quand la famille intervient, elle ne facilite pas la communication au sein du couple en tension, elle n’essaie pas d’identifier le problème ; elle veut juste replacer la femme sous le contrôle du mari.

F : Vous dites que les violences du mari peuvent typiquement se déclencher pour certaines raisons standard, par exemple si sa femme lui refuse des relations sexuelles, ou s’il a l’impression qu’elle ne respecte pas son honneur. Quels sont les comportements qui, chez une femme, peuvent « bafouer l’honneur » de son mari ?

SM : En fait, tous les comportements qui touchent au corps et à la sexualité de la femme peuvent bafouer l’honneur de l’homme. Par exemple, si son épouse n’est pas vierge, cela met non seulement l’honneur et la réputation de la femme en danger, mais aussi celle de son mari, et par la suite, elle risque de se faire violenter. Tout ce qui touche aux normes culturelles de la virginité et de l’adultère s’inscrit dans une perspective de contrôle du corps de la femme et de sa sexualité. Ce contrôle procède de l’impératif du maintien d’un arbre généalogique pur. La femme qui n’a pas d’activité sexuelle, sauf avec son mari, est considérée comme pure et propre. La virginité, ici réduite à la présence de l’hymen, est très importante pour la majorité des hommes puisqu’elle signifie que la femme pubère n’a jamais eu de relations sexuelles avant son mari légitime et donc que ses enfants seront bien de lui.

Ce qu’on attend de la femme après le mariage, c’est qu’elle préserve son corps pour son mari. Le fait de coucher avec un autre homme est fréquemment interprété comme une remise en cause de la puissance sexuelle du mari et de son honneur. La femme qui fait cela envoie le message que son mari n’est pas viril puisqu’il n’a pas su répondre à ses besoins sexuels et donc, par extension, qu’il n’est pas un homme. En retour, l’homme ainsi humilié se donne le droit de la violenter.

F : Pouvez-vous nous parler du contrôle des fils par les mères, soutenu par la culture marocaine, et du comportement parfois violent et cruel des belles-mères avec les épouses ?

S.M. : Pour saisir ce comportement, il faut comprendre la relation mère-fils au Maroc. La structure sociale accorde une place inférieure à la femme, mais la naissance d’un garçon lui permet d’obtenir un statut privilégié. Autrement dit, son statut augmente dans l’échelle sociale puisqu’elle a assuré la continuité généalogique du mari. Les mères s’investissent beaucoup dans l’éducation des garçons, elles leur donnent beaucoup d’amour et les favorisent sur le plan économique. En retour, quand le garçon deviendra un adulte, un homme, il est attendu qu’il devra soutenir sa mère. Le problème est qu’au fil du temps, les mères s’accrochent souvent à leurs fils au point de les empêcher de vivre leur vie d’adulte. Elles se donnent aussi le droit de choisir son épouse sous prétexte qu’elles savent mieux que lui quelle femme lui correspondra et conviendra à la famille. Dans cette situation, le fils est obligé de respecter le choix de sa mère, car sinon il sera pris dans un conflit de loyauté avec elle. Pire encore, si le fils épouse une femme que sa mère n’a pas choisie, elle peut accepter le mariage, mais au risque de rendre la vie difficile à sa belle-fille.

En résumé, puisque la place de la femme est généralement à la maison à s’occuper des enfants et des tâches domestiques, cela lui donne en contrepartie le droit de contrôler son fils et son épouse. C’est pour elle une manière d’exercer un pouvoir, et en particulier un pouvoir sur un de ces hommes qui la contrôlent d’ordinaire. Le pouvoir de la mère sur son fils et sur son couple est une manière de se libérer du contrôle des hommes de la famille et de son entourage.

F : Dans cette culture, c’est une des rares formes de pouvoir qu’une femme peut acquérir…

S.M. : C’est comme si elles voulaient acquérir le pouvoir qu’elles n’ont pas eu jusque-là. Elles n’ont pas de place dans la société, elles sont confinées à la maison et aux tâches ménagères. Avoir un garçon leur donne l’opportunité de se venger de leur mari et de leur père. Elles ont été contrôlées par des hommes toute leur vie, elles essaient de prendre le contrôle de leurs fils. Les mères bénéficient de beaucoup de considération dans cette culture et le fils loyal est celui qui écoute sa mère et ne la contredit pas. Malheureusement, cette relation de loyauté entre mère et fils pousse parfois les mères à exagérer leur contrôle.

F : La polygamie est très restreinte d’après le nouveau Code de la famille : l’épouse doit donner son consentement et peut refuser par un accord signé au moment du mariage que son époux prenne une deuxième épouse. Mais vous dites que les hommes utilisent des stratégies pour forcer leur femme à accepter une autre épouse. Pouvez-vous nous parler de ces stratégies ?

S.M. : La polygamie n’est pas interdite au Maroc, mais les législateurs l’ont rendue très difficile à pratiquer légalement, ce qui incite certains polygames à contourner la loi en utilisant des ruses. Pour contracter un second mariage, ils vont jusqu’à livrer des dossiers falsifiés ou erronés au juge pour obtenir son accord. Par exemple, ils peuvent induire les fonctionnaires de l’État en erreur au moment de produire le certificat de célibat en se rendant dans une ville où ils ne résident pas, mais où ils prétendent résider. Ce faisant, ils vont procéder à un deuxième mariage avec des faux erronés, même parfois sans informer leur épouse.

F : Donc ils organisent un système de double vie ou de triple vie ? Ils peuvent avoir plusieurs femmes, dans plusieurs villes, dans plusieurs appartements ?

S.M. : Oui, et pour ça, ils peuvent falsifier les papiers parce qu’au Maroc, ce n’est pas comme au Canada, où tout est standardisé. Ces hommes peuvent s’entendre avec un voisin ou un ami qui est fonctionnaire et qui peut les aider à falsifier ces papiers. Une autre stratégie est de recourir à la violence pour obliger l’épouse à lui donner l’autorisation de prendre une deuxième femme. Parmi les femmes que j’ai rencontrées, il y en a qui se sont trouvées dans cette situation. Leur mari leur a déclaré « je veux prendre une deuxième épouse » et les a menacées de leur rendre la vie difficile si elles refusaient. Par la suite, ils les ont violentées quotidiennement pour les forcer à accepter. Une autre stratégie des maris polygames consiste à avoir des relations en dehors du mariage jusqu’à ce que leur partenaire tombe enceinte, et ce afin de mettre le juge devant un fait accompli et de le contraindre à recourir au fameux article 16 du Code de la famille. D’ailleurs, certains hommes n’informent même pas leur partenaire qu’ils sont mariés et ont déjà des enfants. Le juge recourt alors à l’article 16 pour mener une action en reconnaissance de mariage. La première épouse est aussi devant le fait accompli et n’a pas d’autre alternative que d’accepter cette situation ou de demander le divorce.

F : Mais maintenant, ça reste relativement rare, les cas de polygamie ?

S.M. : Oui, c’est rare, mais ça existe encore.

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